La revue RH&M - N°88 - Janvier 2023 - 44

Performance sociale
RÉMUNÉRATION
L'anarchisme, une vision alternative
des politiques de rémunération et
d'avantages sociaux
ROMAIN
THIESSET
Avocat Associé,
CAPSTAN AVOCATS
être mises en place. C'est notamment
le cas, sous des formes variables, de
l'intéressement, de l'épargne salariale,
de la prévoyance complémentaire, de la
retraite supplémentaire, de l'actionnariat
salarié,... Sur ce point, la jurisprudence
n'est pas en reste, puisqu'elle rappelle
régulièrement à l'ordre, au nom du principe
fondamental d'égalité de traitement et
d'égalité salariale, les entreprises au sein
desquelles des écarts de rémunération
sont constatés alors qu'aucune raison
objective ne le justifie a priori. La
législation a d'ailleurs accompagné cette
évolution jurisprudentielle en multipliant,
ces dernières années, des mesures
contraignant à assurer une stricte égalité
entre les salariés, jusqu'à imposer le
respect de « quotas »1
.
L'encadrement juridique des politiques
de rémunération et d'avantages sociaux
est marqué, depuis plusieurs années, par
une réglementation excessivement dense
et mouvante, faisant souvent prévaloir
la forme sur le fond, et toujours plus
technique.
Dans un contexte où le salaire fixe de base
constitue certes un élément essentiel,
mais non suffisant, d'une politique
de rémunération, cette philosophie
normative est manifestement inadaptée,
et conduit d'ailleurs de nombreuses
entreprises, notamment les plus petites,
à s'en désintéresser, au risque de perdre
ses talents, et de ne pas parvenir à attirer
ceux des autres.
Par ailleurs, cette réglementation a été
édifiée, globalement, autour de plusieurs
idées et exigences communes, dont celle
du caractère collectif (voire universel),
et obligatoire des mesures pouvant
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Ces évolutions, généralement guidées par
un principe d'égalité qui ne saurait être
critiqué, ne sont pour autant pas adaptées
aux évolutions sociétales, caractérisées
par le besoin, pour chaque salarié,
d'être considéré pour ses spécificités et
d'avoir une politique de rémunération et
d'avantages sociaux adaptée à sa situation
particulière.
Il résulte de tout cela un sentiment
amer, mais malheureusement fréquent,
d'inefficacité et en tout état de cause
d'insatisfaction des politiques de
rémunération et d'avantages sociaux.
Le tort, pour le législateur, de subordonner
par ailleurs un régime social et/ou
fiscal de faveur au respect de ces règles,
donc inadaptées, de forme et de fond,
ajoute à cette amertume, en conduisant
à mettre en œuvre des outils dans le seul
but d'en bénéficier. Il est ainsi fréquent
que la qualité demandée à un dispositif
d'intéressement soit, au mépris de l'exigence
de l'aléa et au risque de priver le
dispositif d'une cohérence indispensable
avec les enjeux de l'entreprise, d'assurer
aux salariés le versement d'un niveau
déterminé, et stable de préférence, de
rémunération.
Avec un peu de recul, il apparaît évident
que cette situation n'a aucun sens et
qu'elle ne profite à personne. Il n'est
toutefois pas utile de céder au fatalisme et
de s'y soumettre, légitimement résignés.
Ce n'est d'ailleurs pas sans raison
que le thème du grand débat de la
dernière convention ORAS était celui
de la responsabilité du C&B, et du DRH,
dans le chaos sanitaire, géopolitique
et démocratique auquel le monde de
l'Entreprise fait face.
À ce titre, lors de ce grand débat, la question
qui s'est imposée progressivement
était de savoir si, et jusqu'où, l'anarchisme
pouvait constituer une réponse à
ce chaos et aux nouvelles donnes (sanitaires,
sociales, environnementales, sociétales,...)
dans lesquelles nous évoluons.
Il ne s'agit naturellement pas d'exiger
du DRH, ou du C&B, le refus de toute
autorité et de tout cadre légal, au sens le
plus strict de la théorie anarchique.
Pour autant, la provocation dépassée,
il semble évident que la gestion des
ressources des entreprises, notamment
humaines, ne peut plus se faire selon
les mêmes conceptions, et que le monde
nouveau qui émerge nécessite de tout
réinventer, et donc de se réinventer.
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