SIGMAG - N°29 - Juin 2021 - 50

PERSPECTIVES
GÉOMATIQUE QUANTIQUE : FICTION OU RÉALITÉ ?
L'INFORMATIQUE QUANTIQUE POURRAIT ÊTRE UNE SOLUTION FACE À TOUJOURS PLUS DE GÉODONNÉES À STOCKER
ET À ANALYSER EN TEMPS RÉEL. ELLE IMPRESSIONNE DÉJÀ DANS CERTAINS DOMAINES.
En premier lieu, tentons de résumer l'informatique quantique
en quelques lignes. En informatique classique, l'information se
traduit en « bits », succession de valeur 0 ou 1 : c'est la logique
booléenne. En informatique quantique, l'équivalent de la case
mémoire du bits se nomme « Quantum Bits » (quBit). Par
les principes physiques de superposition et d'intrication, elle
peut avoir en même temps la valeur 0 et 1. Cela entraine deux
conséquences principales pour nos données, tout d'abord sur
le stockage. Prenons un octet, soit 8 bits. Il contiendra une et
une seule information en succession de 0 et de 1. Par exemple,
l'octet 01100100 donnera la valeur 100. Par contre avec 8 qubits, le
stockage sera les 64 combinaisons de 0 et de 1 qui se superposent
dans les 8 cases mémoire. Le volume stocké dans un même
espace est donc bien plus important. La seconde conséquence
concerne la recherche d'information. Un ordinateur classique
va comparer chaque bit de l'information recherchée avec toutes
les combinaisons possibles jusqu'à trouver le résultat. Quant
à l'ordinateur quantique, sa mémoire contient déjà toutes les
combinaisons superposées. Il va ainsi pouvoir comparer
l'information recherchée en une seule fois. Le gain en termes
de vitesse de calcul est phénoménal : à peine quelques minutes
contre plusieurs milliers d'années sur un supercalculateur actuel !
On trouve aujourd'hui des objectifs d'usages en cryptographie
et en cybersécurité. Mais la géomatique peut-elle bénéficier des
mêmes capacités ? Pour tenter d'y répondre, il est possible de
regarder vers le Big data : toujours plus de données, de plus en
plus de capteurs et de l'information toujours plus en temps réel.
Avez-vous remarqué la manière dont vos ordinateurs ventilent
quand il faut calculer des données 3D en vectoriel et en raster
à l'échelle d'un continent ? L'informatique quantique permettra
d'optimiser le stockage de ces gros volumes de données et
d'améliorer leur exploitation ! Nous pouvons déjà nous projeter
sur des systèmes aujourd'hui complexes comme le calcul de
risques multifacteurs et multidimensions à grande échelle, la
modélisation des Smart Cities avec leurs innombrables critères,
ou bien encore le deep learning avec ses réseaux de neurones
virtuels gourmands en puissance de calcul... La télédétection
est une autre discipline qui profitera pleinement des capacités
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de calcul pour mesurer en simultané plusieurs propriétés
temporelles des impulsions lumineuses. La précision des
mesures s'améliorera grandement, de l'ordre de 10 000 fois
selon les expériences récentes. Aussi, la limite de résolution
due au bruit de fond photographique pourrait être dépassée.
Demain, nos capteurs seront étonnamment plus sensibles que
les meilleurs que nous connaissons aujourd'hui.
Bien sûr, nous parlons d'une technologie encore jeune. Imaginé
au début des années 1980, l'ordinateur quantique ne voit son
premier algorithme quantique émerger qu'en 1994. De plus, les
ordinateurs quantiques sont aujourd'hui limités (entre autres)
par les algorithmes qu'on sait leur donner, par leur complexité
technique à cause du refroidissement nécessaire ou encore par
la stabilité générale du système. Mais les expériences réussies
sont très prometteuses. D'importants fonds privés et publics
sont investis et on peut espérer voir des applications sortir des
laboratoires et devenir commercialisables dans les prochaines
années. D'ailleurs, les plus férus de développement et de codage
innovant peuvent s'essayer avec quelques SDK qui existent
pour simuler du calcul quantique : Qiskit (IBM), Quantum Dev Kit
(Microsoft) ou Cirq (Google).
En perspective lointaine, confirmons la citation « la réalité
dépasse la fiction » avec cette expérience de téléportation
quantique réalisée par la NASA. Rien à voir avec Star Treck ! Il
s'agit « juste » de faire disparaitre une particule de son point de
départ et la faire réapparaître instantanément au point d'arrivée.
Plusieurs qubits ont ainsi été transférés à travers 44 kms de fibre
optique sur un réseau techniquement
compatible avec nos infrastructures
I nte r net. Un test qui pe rmet
d'entrevoir les futures capacités
des réseaux de communication ou
le transport instantané de données
massives. En somme, le Big data à la
sauce quantique !
DANIEL RIBEIRO
DIRECTEUR DE GEODATASOLUTIONS

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