SIGMAG - N°33 - Juin 2022 - 14

ENQUÊTE
LA DÉFENSE MISE SUR LA GÉO
ET TOUTES LES INTELLIGENCES
HISTORIQUEMENT LES MILITAIRES SONT À L'INITIATIVE DE LA PRODUCTION ET DE L'UTILISATION DE DONNÉES GÉOGRAPHIQUES.
LEURS CHAMPS D'INTERVENTIONS ONT ÉVOLUÉ, COMME LES OUTILS. LES PRATIQUES AUSSI, LAISSANT UNE LARGE PLACE
AU RENSEIGNEMENT ET À LA GEOINT. UN SECTEUR PRÉCURSEUR QUI VA VITE, MAIS DE MANIÈRE PRÉCISE ET ÉCLAIRÉE.
ENQUÊTE RÉALISÉE PAR MICHEL BERNARD.
© AIRBUS-HD
S
i l'imagerie et la cartographie
numérique ont joué un
rôle visible dans plusieurs
conflits récents en Syrie, au
Mali ou encore dans le conflit
afghan, la guerre en Ukraine a vu
s'abattre sur tous les téléviseurs
une avalanche d'images et de
cartes, accompagnées d'observations
et d'analyses en quasi temps
réel. L'invasion russe de ce début
d'année est ainsi le premier conflit
de l'histoire à être suivi, presque
diffusé en direct et alimenté à dist
a n ce par les tec hno l og i e s
Géospatiales et tout particulièrement
par le GeoINT ou GEOspatial
INTelligence. Cette discipline n'est
pourtant pas nouvelle. C'est la
National Geospatial Agency (NGA)
aux États-Unis qui a proposé ce
terme au début des années 2000
pour englober « l'exploitation et
l'analyse de l'imagerie et de l'information
géospatiale pour décrire et
visualiser les facteurs physiques et
les activités géolocalisées ». Elle
consiste donc à assembler et
fusionner des données multisources
sur un socle cartographique
dans lequel l'imagerie joue un rôle
majeur. Le concept (qui a toutefois
une por tée plus large que le
domaine militaire) a été formalisé
dans une doctrine publiée dès 2006
par la NGA pour l'armée américaine.
Elle s'est diffusée au début
des années 2010 au sein de l'All
iance at l ant ique et l'armée
française a elle aussi adopté et
adapté le GeoINT à son organisation
reposant sur un socle historique
très important en matière d'information
géospatiale.
Mais de quel les intel l igences
s'ag i t - il ? Dans le doma i ne
de l'imagerie, qui est l'un des
f o n d eme n t s d e l 'a p p r o c h e
GeoINT, on pense évidemment à
l 'Intelligence artificielle qui est
devenue une nécessité, face à un
véritable Tsunami de données. Mais
pour les Anglo-saxons, Intelligence
14
Illustration de la
constellation de 3
satellites CERES,
programme
français de
satellites
militaires d'écoute
électronique
chargé de collecter
du renseignement
d'origine
électromagnétique.
signifie aussi renseignement et
c'est dans ce sens qu'il faut prendre
le terme GeoINT. La Stratégie
de défense spatiale de la France
(juillet 2019) précise elle aussi que
« le renseignement géospatial
doit appor ter une autonomie
d'appréciation de situation grâce à
la fusion et à l'analyse de données
géolocalisées de sources variées ».
Pourtant, comme le rappelle la
formule de Clausewitz dans son
ouvrage « Vom Kiege » en 1832 :
« La guerre est le domaine de
l'incertitude ; les trois-quarts des
éléments sur lesquels se fonde
l'action restent dans les brumes
d'une incertitude plus ou moins
grande. Plus qu'en n'importe quel
domaine, il faut qu'une intelligence
subt ile et pénétrante sache y
discerner et apprécier d'instinct
la vérité. ». De fait, l'actualité en
Ukraine met plus que jamais en
évidence cette complexité et le poids
décisif du jugement et de l'analyse
humaine dans l'exploitation des

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