SIGMAG - N°33 - Juin 2022 - 16

ENQUÊTE
provenance du secteur public
ou des productions de l'OTAN.
Paradoxalement, si l 'ensemble
des process de production de ces
données est désormais numérisé
et p rog re s si veme nt e ng lo b é
da n s d e va s tes progr ammes
d'armement (tels que GEODE 4D), la
carte papier a toujours de l'avenir,
car sur le terrain il faut être prêt
à toute éventualité. Travailler en
mode déconnecté reste la règle.
« Pour soutenir une brigade, il faut
environ 150.000 cartes et le volume
annuel est de plus de 2,5 millions de
cartes », précise l'état-major des
armées. Ces exigences imposent
des moyens de reproduction à très
grande échelle et répartis sur le
territoire. La mise à jour des produits
cartographiques et le maintien
d'une Représentation Géophysique
Opérationnelle (RGO) commune
est un véritable défi pour les forces
armées. Pour collecter, croiser
et visualiser ces informations,
les sciences géospatiales et les
SIG ont
largement préparé le
terrain. Avec plus de 50 années de
recherche, de développement et
de mise au point de solutions qui
ont désormais fait leurs preuves
civiles et militaires. L'établissement
Géographique Interarmées, créé
en 2008, coordonne les activités
des différents organismes publics
qui concourent à cette production,
parmi lesquels figure évidemment
l'IGN. La Défense fait aussi appel
à des prestataires extérieurs pour
mettre en place des programmes
d'envergure et développer des
outils adaptés, en particulier dans le
domaine de l'Intelligence artificielle
(avec des acteurs privés tels que
PRELIGENS, PALANTIR...).
LES CONFLITS ÉVOLUENT
Dernièrement, le terme de « guerre
hybride de Haute Intensité » est
apparu dans le vocabulaire militaire
pour désigner ces nouveaux conflits
où se combinent attaques militaires
directes et indirectes, utilisant de
multiples vecteurs cybernétiques,
économiques, informationnels.
Face à ces crises à la cinématique
potentiellement très rapide, la
géographie apporte des clés de
compréhension indispensables.
« Dans ces opérations multimilieux
et multichamps, il y a une interaction
permanente entre le physique
et l'immatériel. Mais le terrain
commande encore et toujours »,
rappelle le Général Michel Delion
(Conseil ler du Gouvernement
pour la Défense). La collecte de
données géo et topographiques,
leur entretien et enrichissement
par des sources complémentaires
permettent d'avoir un temps
d'avance sur la manœuvre.
Simulations autour
de lieux d'impact
de tirs de missiles
dans ArcGIS Pro
Intelligence.
Carte des
opérations et
missions militaires,
au 10 février 2021.
Source État-major
des armées.
Les objets connectés of f rent
éga lement des oppor tuni tés
innombrables, en permettant par
exemple d'accéder aux systèmes
de vi d é osu r ve i l l a n ce et de
disposer ainsi d'une multitude de
capteurs au plus près du terrain.
Déjà largement interfacés sur les
systèmes de supervision et dans
les plates-formes de Smart City,
ils sont pour ainsi dire prêts à
l'emploi pour alimenter le GeoINT
avec des informations temps réel
et parfaitement localisées. Et l'IoT
se tourne également vers l'espace,
comme on le voit avec le projet
Kineis porté par la société CLS à
Toulouse, qui prévoit le lancement
de 25 nanosatellites pour offrir une
connectivité dédiée à cette source
de données. Les informations
issues de systèmes d'observations
commerciaux et de plates-formes
de contenus sont également mises
à profit. Malgré cette profusion
de sources ouver tes, il reste
essentiel de conserver la maîtrise
de l 'information géographique,
car comme le rappelle le général
Delion : «la guerre ne se gagne
pas à coup de Google Maps et on
voit bien comment les données
OSM peuvent être maltraitées
ou falsifiées » ! Héritière d'une
très forte culture en la matière, la
France maintient heureusement
une capa c i té impor t ante en
matière de production de données
g é o gr a p hi q u e s q u i s er o n t
consommées par des humains et
des machines (99% des dispositifs
de combat utilisent des données
géolocalisées), et seront de plus en
plus diffusées par des réseaux.
OCÉANS ET ESPACE
La surface des mers et océans
est une autre frontière du GeoINT.
Depuis toujours, c'est un espace
de confrontation militaire. Mais la
mondialisation et les mutations
géopolitiques ont accentué les
risques de conflit, notamment
autour de l 'exp loi t a t ion des
ressources naturelles, de la sécurité
des voies de communication et
des revendications territoriales et
maritimes. Le GeoINT maritime
se déploie donc largement. Par
exemple avec CleanSeaNet, le
programme de surveillance de
l'Agence Européenne de Sécurité
Maritime (EMSA) qui combine
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