SIGMAG - N°35 - Décembre 2022 - 23

DOSSIER
© DMOBABIMAGES
UN GREFFON NE PEUT PAS
ATTENDRE, LE RECEVEUR NON PLUS
L'ischémie, c'est l'arrêt ou l'insuffisance de la circulation du sang dans
un organe. On imagine aisément que pour permettre à un organe d'être
greffé, son temps passé dans cet état doit être le plus court possible.
L'Agence de biomédecine donne ainsi les références suivantes : « Entre
le moment où l'organe est prélevé et le moment où il est greffé, il ne
faut pas dépasser 3 à 4 heures pour un cœur, 6h en moyenne pour un
foie, 6 à 8 heures pour un poumon, 24 à 36 heures pour un rein. Ces
délais sont des moyennes qui dépendent de l'état de l'organe. »
Préserver un organe pour une greffe consiste à réduire au maximum la
durée de l'ischémie froide en optimisant au mieux l'acheminement d'un
potentiel greffon vers un potentiel receveur. « L'Agence de biomédecine
utilise les SIG pour gérer cette urgence. Pour un accident à un endroit
donné, comment faire pour que l'équipe la plus proche gère la greffe.
Quel moyen de transport utiliser ? Hélicoptère, train, avion, VSL ? »,
commente Philippe Tavaud, responsable grands compte, secteur santé
et affaires sociales chez Esri France. Le système doit donc réfléchir vite,
prendre en compte la nature des organes prélevés, leur localisation,
la localisation des receveurs potentiels, les modes d'acheminement
manipulaient de longue date les
outils de SIG. Dès le début du 20e,
l'offre de soin a ainsi été gérée par
des cartes.
CARTOGRAPHIER L'OFFRE
DE SOIN SUR LE TERRITOIRE
Les cartes interactives servent
à savoir en temps réel comment
est répar tie l 'offre de soin sur
un territoire en fonction de la
population, sa densité, son âge,
ses besoins. Même si l'existence
de ces out i l s ne change pas
immédiatement la répar tition
adaptée des ressources, a minima,
elle met à jour la situation. Les
données sont accessibles et les
outils aussi. Par exemple, pour la
seule question de l'accessibilité aux
soins, on trouve rapidement une
dizaine de cartes en ligne : celle de
la DRESS (Direction de la recherche,
des études, de l'évaluation et des
statistiques), mais aussi CartoSanté,
ScanSanté, Score-Santé. Il y a aussi
les productions des ARS, UFC Que
Choisir, Institut Montaigne, etc.
Selon UFC que choisir : « Un
Français sur quatre n'a pas accès
à un généraliste, le quart des
femmes est sans gynécologue ».
L'association vient de mettre à jour
son outil cartographique créé la
première fois en 2012. Elle combine
les données de la sécurité sociale et
de l'Insee. L'association a fait le choix
de ne pas répartir les ressources
par tranches pour supprimer l'effet
de seuil, de considérer la
ou leur combinaison en fonction de l'heure de la journée, jusqu'à la planification de la
réservation de la salle de bloc opératoire.
Certes, les reins (1.300 greffes en 2021) peuvent voyager seuls en TGV dans des machines
à perfusion, surveillées à distance. Pour les autres organes, c'est tout l'enjeu de l'Agence
de biomédecine de garantir leur bon acheminement tout en optimisant leur répartition.
« Lorsque des donneurs sont disponibles, il s'agit d'optimiser la survie médicale du greffon
potentiel : des critères médicaux et géographiques entrent en jeu », explique Florian Bayer,
géographe de la santé et expert SIG à l'Agence de biomédecine depuis 14 ans. Longtemps, les
greffons ont été alloués selon un score attribué à chaque patient et en priorisant la proximité.
Pour le foie, l'Agence est passée depuis 2008 à un modèle d'allocation géographique continu,
grâce à un modèle gravitaire qui s'affranchit des frontières régionales. Celui-ci permet de
définir l'attractivité et la zone d'influence d'un ou plusieurs lieux en fonction de différents
paramètres. Un compromis entre l'urgence médicale et la distance. Avec une amélioration
significative de la survie un an après la greffe. De même en 2020, le modèle d'allocation a
été optimisé pour le poumon.
À l'Agence, le pôle national de régulation des greffons utilise un outil « Esri Carto » pour
calculer les temps de trajet, optimiser les moyens de transport et prévenir l'équipe de greffe.
Questionner les moyens d'acheminement est maintenant à l'étude. À moins de 300 km se
pose la question de l'efficacité de l'avion ou de la voiture. Combien de temps pourrait-on
gagner en hélicoptère ou en drone ? Au stade de simulation aujourd'hui, ces nouvelles
options pourraient faire gagner une heure et un gain sur le taux de survie à un an !
© Benoît Rajau
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