Expertises des Systèmes d'information - Juillet/Août 2021 - N°470 - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - 261

l'être. L'Office européen des brevets ne pense
pas comme moi. Donc à moi de m'adapter
à la jurisprudence, mais ce n'est pas impossible
qu'au fur et à mesure cela rentre dans les
mœurs et que cela soit considéré comme technique,
et donc brevetable. Aux Etats-Unis, on a
souvent moins de problèmes pour ce genre de
demandes de brevet liées au NLP.
Y a-t-il une demande importante de brevets
dans le développement de logiciel ?
Tout à fait, bien que certaines choses restent
difficilement brevetables, comme l'interface
graphique d'un écran par exemple...
Cela relève du droit d'auteur... En fait il y a
plusieurs protections qui peuvent s'additionner
sur un même objet.
Si l'on prend par exemple une application dans
le domaine de l'IA, plusieurs protections sont
possibles. Il y a la protection du droit d'auteur,
comme vous l'avez rappelé, sur le code du logiciel.
Viennent ensuite la question des interfaces
graphiques, qui peuvent être protégées avec des
dessins et modèles, ou celle de la marque du logiciel.
Mais il y a surtout la question des données.
Comme on l'a évoqué précédemment, c'est
un sujet particulièrement
important. En Europe, on
a la chance de bénéficier
du droit sui generis sur les
bases de données. Et ces
bases de données peuvent
également être protégées
par le droit d'auteur, même
si en matière d'IA, il peut être relativement
compliqué de prouver le critère d'originalité
nécessaire pour faire naître le droit d'auteur.
C'est-à-dire ?
La manière dont on organise une base de
données pour entraîner un modèle d'IA est relativement
fonctionnelle, c'est donc compliqué
de prouver le critère d'originalité et d'avoir un
droit d'auteur dessus. En revanche, on a le droit
sui generis qui donne un droit à la protection de
l'ensemble des données agrégées dans la base
de données, pour autant qu'on ait fait un investissement
substantiel qui peut être matériel ou
humain. Je sensibilise beaucoup mes clients
sur ce point : il est important de penser à la
protection de ces données mais il faut pouvoir
le prouver, donc extraire les lignes comptables
liées spécifiquement à la base de données...
Il faut l'avoir pensé à l'origine.
Oui. On peut retrouver des éléments a posteriori
en cas de litige mais c'est plus compliqué, c'est
donc mieux de le penser dès l'origine, de traiter
ces questions et surtout d'être averti, ce qui
simplifie l'organisation et la mise en place du
bon process en interne. Et il faut prendre date,
prouver le contenu, les éléments constituant la
base de données à une date précise, ce qui peut
être notamment fait par un dépôt à l'Agence
de protection des programmes (APP). Il y a
d'autres manières de faire. Au même titre que
l'on prouve le droit d'auteur sur les logiciels par
un dépôt à l'APP.
Il y d'autres points sensibles dans le domaine de
l'IA : les logiciels open source.
J'allais justement vous interroger sur la
compatibilité de l'open source avec les
brevets.
C'est très compatible, contrairement à ce que
l'on peut penser.
« C'est le seul outil dont on
dispose pour protéger les
fonctionnalités du logiciel. »
C'est historique comme question peut-être...
Traiter la question de l'open source est important
car aujourd'hui un projet de machine
learning, dans 99% des cas, utilise des briques
open source : des librairies open source, du
code open source. En matière d'open source ou
de logiciel libre, vous avez des droits, mais vous
avez aussi des devoirs. Vous avez des libertés,
mais pas sans contreparties.
Vous devez respecter
un certain nombre d'obligations.
Il y a plusieurs
types
de
source :
licences
open
les licences à
copyleft fort (les plus contaminantes),
à copyleft faible
et sans copyleft. La licence à copyleft fort la plus
emblématique est la licence GNU GPL, qui vous
oblige à redistribuer l'ensemble des composants
de votre logiciel sous cette même licence.
Ce qui implique de publier le code source. Cette
licence ne sera pas compatible si vous avez
prévu de vendre votre logiciel et de faire une
distribution sous un format propriétaire. Les
licences sans copyleft les plus connues sont
sans doute la licence MIT ou la licence Apache
2.0. Dans ce cas, vous êtes libres de votre mode
de distribution de logiciel, vous pouvez faire
du logiciel propriétaire avec. C'est donc vraiment
important de faire un audit si le projet est
déjà constitué et que les développeurs ont déjà
travaillé, ou de référencer en amont toutes les
librairies ou tous les composants open source
que l'on souhaite utiliser, avec les licences
correspondantes et les modifications que vous
comptez effectuer à ces différents composants.
Ce travail nous permet de vérifier si ces licences
sont compatibles entre elles ou pas -parfois elles
ne le sont pas- et si elles sont compatibles avec
votre business model.
EXPERTISES JUILLET 2021
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