Expertises des Systèmes d'information - Décembre 2021 - N°474 - Le mensuel du droit de l'informatique et du multimédia - 417

Est-ce que la mise à disposition de toutes
les décisions de justice et la réutilisation
qui va en être faite, notamment grâce à l'IA,
ne risque-t-elle pas d'avoir un impact sur la
justice et la jurisprudence, notamment en
conduisant à une justice prédictive, performative,
figée dans ses précédents ?
Cela représente clairement un enjeu, c'est la
raison pour laquelle nous avons créé un groupe
de travail avec le Conseil d'Etat et le ministère de
la Justice en février dernier sur la question de la
réutilisation éthique des données de justice. Ce
groupe de travail s'est réuni
cinq fois, avec des représentants
des avocats, des
legaltechs, des éditeurs et
des chercheurs. L'objectif
est de réfléchir à la manière
de réutiliser les données
de façon éthique, en étant
conscient que l'élaboration
d'outils d'intelligence artificielle
est susceptible d'avoir
des conséquences sur la façon dont la justice est
rendue. Le rapport de ce groupe de travail est en
cours de rédaction.
Par ailleurs, les chefs de cour, la première présidente
et le procureur général près la Cour de
cassation ont missionné Loïc Cadiet, professeur
à l'université Paris I, Cécile Chainais, professeur
à Paris II et le président Sommer, le directeur
du SDER, pour conduire une réflexion sur
l'impact que la diffusion des données décisionnelles
peut avoir sur la notion de jurisprudence.
Les représentants des chefs de cour et des
chefs de juridiction participent au travaux et
Sylvain Jobert, qui est professeur agrégé de
l'université d'Angers, et moi-même sommes
co-rapporteurs. La mission a débuté ses travaux
en septembre et remettra son rapport en juin
2022.
« Réfléchir à la manière de réutiliser
les données de façon éthique, en étant
conscient que l'élaboration d'outils
d'intelligence artificielle est susceptible
d'avoir des conséquences sur la
façon dont la justice est rendue. »
Par ailleurs, ne risque-t-on pas d'être noyé
dans une masse de décisions dont il sera plus
difficile de distinguer celles qui présentent
un intérêt des autres ?
Pour identifier les décisions, la Cour de cassation
a elle-même réformé la hiérarchisation
des arrêts. Jusqu'en juin 2021, nous avions
le siglage PBRI : P faisait référence à un arrêt
publié au Bulletin de la Cour de cassation, B à
un arrêt publié au BICC, R à
un arrêt publié au Rapport
de la Cour de cassation, I à
un arrêt publié sur internet.
En juin 2020, le BICC
a été supprimé et, avec
l'open data, le critère de
la diffusion d'un arrêt sur
internet n'avait plus de
sens car aujourd'hui tous
les arrêts sont en ligne. La
première présidente de la Cour de cassation a
ainsi souhaité moderniser cette hiérarchie et
la rendre plus lisible. Aujourd'hui, le nouveau
siglage est le suivant : BR, avec B pour les arrêts
publiés au bulletin et R sont ceux publiés au
rapport, avec en outre, s'agissant des supports
de communication : L pour les arrêts publiés
aux lettres de chambre et C pour les arrêts qui
font l'objet d'un communiqué de presse car
ils peuvent avoir un intérêt pour le public. Le
niveau de publication est un critère de filtre sur
notre moteur de recherche.
Propos recueillis par
Sylvie ROZENFELD
EXPERTISES DÉCEMBRE 2021
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