Les Clés de la presse - Magazine n°52 - 10

Le classement - n°52 _Gabarit test 18/11/2019 08:08 Page10

le classement

muer en un défenseur des intérêts des communautés susceptible de le lire. A cet
égard, aussi bien la Voix du nord que la
Montagne ont su prendre le virage. Sous
l'impulsion de Jacques Hardoin, le quotidien nordiste s'est élevé contre le Rassemblement national. Et suivant les principes de son fondateur, Alexandre
Varenne, le centenaire titre auvergnat
s'est mobilisé pour que la SNCF desserve
correctement Clermont-Ferrand.
Malgré les rumeurs régulières de cession, Ebra est toujours là...
J-C.T. A l'inverse des supputations,
le patron du Crédit Mutuel, Nicolas
Théry, n'a pas démonté le coûteux mécano
de son de son prédécesseur Michel Lucas.
En une décennie, plus d'un milliard d'euros se sera évanoui ! Parce qu'il se positionne en banquier des territoires, il a
tenu bon et réaffirmé son rôle d'animation locale. Avec Philippe Carli, l'ancien homme de confiance de la famille
Amaury et le planificateur stratégique de
Siemens France, il met un pilote dans
l'avion. Une méthodique intégration des
titres se met en marche comme en témoignent les rapprochements DNA-l'Alsace et
l'Est républicain-le Républicain lorrain. Philippe Carli a déjà fermé, sans
révoltes mais chéquier ouvert, deux
imprimeries à Mulhouse et à Metz, et il se
prépare à mutualiser le back-office des
journaux en brisant les corporatismes
ambiants. Même s'il a diminué de moitié
les pertes annuelles, il a encore deux
exercices difficiles à affronter. Paradoxalement, pour se mettre au diapason
européen, Nicolas Théry ne devrait pas
songer, à terme, à vendre des journaux au
pay-back impossible, mais accepter d'en
acheter pour que la consolidation passe à
une vitesse supérieure.
Sipa-Ouest France n'était-il pas en
pôle-position pour faire changer de
taille critique la PQR ?
Effectivement, ce magnifique ensemble
constitué par François-Régis Hutin donne
le sentiment de ne plus être à la hauteur
de sa splendeur passée. Après la berezina
enregistrée sur Spir, il a perdu volume
d'affaires et dividendes. Sa familyoffice, Sofiouest, ne disposant que d'une
centaine de millions d'euros, ne peut
figurer dans la cour des grands du private

Les Clés de la presse - n°52, novembre 2019

« La presse quotidienne régionale
est loin d'avoir achevée sa mutation
industrielle. C'est pourquoi,
dans son plan Filière, elle appelle
à l'aide les pouvoirs publics
pour financer sa restructuration
et accélérer sa remise à niveau ».
equity et élever de futures licornes. Et
surtout, son contrôle par l'Association
pour le soutien des principes de la démocratie humaniste l'handicape pour nouer
des alliances capitalistiques au sommet.
L'entrée de Rossel-la Voix dans le gratuit 20 minutes, tout comme quelques
autres partenariats avec le groupe belge
conduit par Bernard Marchant, laissait
rêver d'une fusion apte à bousculer toute
la presse quotidienne régionale française.
Pourtant, sur le terrain, le groupe
marque des points avec notamment de
significatifs résultats sur la toile. Sa
filiale Publihebdos, sous l'impulsion de
Francis Gaunand, ne se contente pas
d'être l'un des actifs les plus contributifs (11 % d'excédent brut d'exploitation
sur 90 millions de chiffre d'affaires),
elle se singularise par une nouvelle initiative dépassant les terres bretonnes et
pleine de promesses, Actu.fr.
Au printemps prochain, Louis Echelard, à 69 ans, demandera le renouvellement de son mandat de président du directoire du groupe. Les octogénaires Jacques
Duquesne et Michel Camedessus, qui tiennent les vraies structures de décisions,
auront-ils le courage de conditionner sa
reconduction à l'introduction de sang
neuf à Ouest France où le gendre de François-Régis Hutin, Mathieu Fuchs, ronge
son frein en attendant son heure ? SipaOuest France a besoin d'une redistribution des cartes dans son capital et dans
son état-major pour devenir le légitime
moteur de la consolidation française.
Les familles n'auraient elles plus de
place dans la presse ...
J-C.T. Absolument pas. L'exemple du
Télégramme montre combien les frères Coudurier, Edouard et Hubert, à la suite de

plusieurs générations, ont été performants pour sans cesse enrichir l'offre
éditoriale dans le journal comme à la
télévision, tout en se risquant dans la
diversification où Hellowork connaît un
succès qui ne se dément pas. Leur diversification pèse presque autant dorénavant
dans leurs affaires que le titre finistérien.
A la veille des 150 ans de la Dépêche,
Jean-Michel Baylet, fidèlement secondé
par Bernard Maffre, a préparé ses fils
Jean-Nicolas et Jean-Benoît, à prendre le
relais au sein d'un groupe dont il aura
doublé la taille en intégrant Midi libre
et en favorisant l'événementiel. A Bordeaux, la famille Lemoine n'a jamais
vendu Sud ouest, confié à des régents successifs, Pierre Jeantet, Olivier Gerolami et maintenant Patrick Venries, qui
ont tous appris le métier au petit-fils du
fondateur, Christophe Galichon, prêt à
prendre la relève en connaissant toutes
les facettes du groupe. En PHR aussi,
Benoit Leclerc a augmenté son héritage en
ajoutant à la Manche libre le Courrier
cauchois.
Quand, à Paris, des milliardaires
contrôlent des journaux via leurs sociétés, c'est leur passion personnelle qui,
la plupart du temps, justifie des investissements incohérents par rapport à la
seule logique financière. Bernard
Arnault, Serge Dassault, François
Pinault ont mouillé leur chemise pour
entrer aux Echos, au Figaro, au Point. Ces
titres conserveront-ils la même attractivité pour leurs enfants ? C'est certain
pour les Dassault. Mais rien n'est assuré
pour les autres sauf si, par la conversion
numérique et par un retour en grâce du
papier raréfié, ces marques brillaient de
tout leur éclat.
Propos recueillis par Didier Falcand

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