Les Clés de la presse - Magazine n°52 - 6

Le classement - n°52 _Gabarit test 18/11/2019 08:08 Page6

le classement

Comment analysez-vous l'évolution peu
significative, en dehors de certaines
exceptions, des chiffres d'affaires des
éditeurs français d'une année sur
l'autre ?
J-C.T. Le plus instructif n'est pas
de comparer les chiffres 2018 à ceux de
2017, mais de prendre en considération
leur évolution sur une décennie. D'une
année sur l'autre, les érosions se répètent sans drame, mais sur le moyen terme,
les effondrements sont catastrophiques.
Prenons l'exemple de la famille des news
magazines : l'Express et l'Obs ont quasi
divisé par deux leur volume d'affaires en
quelques années, et même le Point, qui
fait un sans-faute, a perdu près du tiers
de ses recettes.
A l'évidence, ces piètres performances tiennent du siphonnage par Google
et Facebook de la publicité, mais cela
provient aussi des changements de modèles
économiques. Naguère, pour plaire aux
annonceurs, qui ont maintenant déserté,
les éditeurs gonflaient leurs diffusions
par des moyens plus ou moins artificiels
pour valoriser des abonnés chers à acquérir et infidèles. Aujourd'hui, ils se
replient sur des socles amincis mais plus
sains. La décrue des chiffres d'affaires
serait encore plus frappante si tous les
éditeurs n'avaient pas augmenté leurs
prix de vente sur un rythme très supérieurs à celui de l'inflation. Quotidiens
nationaux et news magazines se sont engagés dans une spirale de hausse du prix
facial que l'on pourrait juger suicidaire
si l'on ne comprenait pas qu'elle se veut
incitative au basculement vers l'abonnement numérique.
Une telle stratégie de hausse de prix
n'est pas forcément généralisable.
J-C.T. Sur certains fronts, nous
avons effectivement assisté à de véritables tsunamis. Prenons le créneau du
médical : le paysage a compté jusqu'à quatre quotidiens professionnels en concurrence forte. Désormais, il ne reste que
l'unique Quotidien du médecin, porté
comme un malade par une mutuelle (MNH). Il
faut savoir que les laboratoires pharmaceutiques, il y a dix ans, investissaient
80 millions d'euros dans la presse médicale. Le montant actuel ne dépasse pas les
10 millions d'euros sans aucune captation
par les Gafa qui ne sont donc pas responsables de toutes nos insuffisances.

Les Clés de la presse - n°52, novembre 2019

La nouvelle donne

Ce classement, reconstitué à partir des chiffres d'affaires 2018 respectifs
de Reworld média et de Mondadori d'une part, et de ce que représntaient les
activités vendues par Lagardère active à CMI média, conjuguées à celles de
Marianne (repris en 2018 par Daniel Kretinsky) d'autre part, permettent
d'établir trois constats:
1. Au coude à coude avec le groupe Amaury et Infopro digital, Reworld média
s'impose d'emblée comme un acteur clé de la recomposition de la presse, à une
encâblure des trois leaders du secteur.
2. Avec ses deux acquisitions, CMI média se situe déjà aux portes du Top 10 de
notre classement, sans tenir compte des investissements réalisés dans le groupe
le Monde par Daniel Kretinsky, aux côté de Matthieu Pigasse.
3. Après ses sessions successives de journaux de ces dernières années, le
groupe Lagardère disparaît définitivement du classement des principaux groupes
de presse en France.
L'année 2019 a été marquée par le
retrait d'acteurs historiques. Comment
analysez-vous ce phénomène ?
J-C.T. Plus que jamais, dans une
période d'électrochocs, les éditeurs
doivent être réactifs. Depuis le 31
décembre dernier, date de clôture de vos
données, le visage de plusieurs groupes a
radicalement changé, avec de sévères
cures d'amaigrissement pour certains.
Les groupes Lagardère, Mondadori et
Altice ont ainsi continué à arbitrer en
défaveur des médias. L'Italien Mondadori

s'est retiré de la France parce que, même
dans la péninsule, il a choisi de privilégier le livre par rapport aux journaux.
Parallèlement, Altice a excellé dans
son rôle de trader. A la surprise générale, en 2015, il avait acquis en bloc,
les actifs français du belge Roularta.
Habilement, il les a vendus au détail, ses
grands cadres en profitant souvent. Pour
autant, il faut saluer le courage, voire
l'inconscience, d'Alain Weill qui se
lance dans la quête du Graal en voulant
transformer l'Express en The Economist.

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