Les Clés de la presse - Magazine n°52 - 8

Le classement - n°52 _Gabarit test 18/11/2019 08:08 Page8

le classement

est l'un de ces nouveaux tycoons. Voici
déjà quelques années, il s'était implanté
dans les journaux à Prague en rachetant
les titres tchèques de la joint-venture
Axel Springer-Ringier. Se voulant
ensuite plurimédia, il s'est intéressé
aux radios du groupe Lagardère à l'Est dès
leur mise en vente. La négociation
s'étant déroulée dans les meilleures
conditions, cet authentique francophile
a saisi l'opportunité d'entrer sur le
marché français que Lagardère voulait
quitter. D'aucuns aimeraient y voir un
moyen d'influence visant à favoriser son
entrée dans le secteur de l'énergie. Cela
a sans doute joué. Mais sa stratégie est
de miser sur la reprise d'actifs cantonnés dans des secteurs déclinants, pour
lesquels il n'y a ni foire d'empoigne, ni
valorisations inconsidérées. Comme il
sait gérer la décroissance sur la durée,
il vise à réaliser de bonnes affaires.
Il a aussi fait parler de lui en venant
épauler Matthieu Pigasse au Monde.
J-C.T. Daniel Kretinsky ne saurait se
limiter à 250 millions d'euros de chiffre
d'affaires dans la presse hexagonale. Il
était donc logique qu'après les magazines, il se tourne vers les quotidiens.
Un actionnaire du Monde étant sous la
contrainte de monétiser sa participation
difficilement cessible, il était logique
que Daniel Kretinsky soit séduit par l'un
des plus prestigieux quotidiens français. Le fondateur du Monde, Hubert
Beuve-Méry, étant passé de l'Institut
français de Prague au quotidien de référence national, Daniel Kretinsky n'avait
sans doute pas imaginé que son adoubement
à Paris se révélerait une redoutable
course d'obstacles, d'autant plus délicate qu'elle se disputait dans des conditions clair-obscur.

Les Clés de la presse - n°52, novembre 2019

Pensez-vous qu'il parviendra malgré
tout à ses fins ?
J-C.T. Même si ce dossier n'a pas fini
de défrayer la chronique, ne focalisons
pas trop sur lui. Les ambitions de CMI
média déboucheront sur d'autres initiatives, tant en France qu'en Europe. Pour
l'instant, il a les moyens de ses vastes
ambitions, et l'éco-système des journaux
est composé de plus de vendeurs que
d'acheteurs. Face au Gafa, plus que
jamais, la notion de taille critique
s'imposera. Quel sera le champion en
capacité de doter la France d'un groupe
structurant en Europe ? Notons de surcroît que l'associé d'origine de Daniel
Kretinsky, Petr Kellner, vient de réaliser en Europe de l'est une bien plus
gigantesque acquisition en matière d'audiovisuel.
Xavier Niel ne pourrait-il pas devenir
ce champion ?
J-C.T. Assurément, patiemment, il
tisse sa toile en Europe dans les télécoms
et la production audiovisuelle via Mediawan. En revanche, il a refusé de prendre
le contrôle du Monde, en suggérant de
sanctuariser son capital dans une fondation. A la surprise générale, au printemps, il s'est invité à Nice matin, en
prenant le relais de Nethys lors du naufrage de Stéphane Moreau en Belgique.
L'an prochain, il devrait contrôler le
titre. Sera-t-il en mesure d'aller plus
loin ? De bâtir, enfin, le centre d'impression commun avec la Provence et de
succéder à Bernard Tapie à Marseille ? Sa
puissance et son agilité financière lui
donnent les moyens d'être le consolidateur de la presse quotidienne régionale
française dès lors qu'elle comprendrait
que l'heure des alliances est venue. En
Belgique, c'est la fusion de Corelio et

« On assiste à un surprenant retournement
de tendances. Voici dix ans, les magazines
s'imposaient sur le devant de la scène
et s'imaginaient un avenir radieux.
A l'inverse, les quotidiens avaient du mal
tenir leur rang. Désormais, les groupes
de quotidiens ont relevé la tête, alors
que les conglomérats de magazines se
décomposent ».

Concentra qui a permis à Mediahuis de
changer de taille et de percer ensuite aux
Pays-Bas, puis en Irlande. Xavier Niel
aime la vitesse pour piloter ses
affaires. Les actionnaires familiaux de
la presse quotidienne régionale sont des
adeptes du temps long. Une raison de
divorce à moyen, voire à court terme ?
A la lecture du classement, les quotidiens semblent l'emporter sur les magazines ...
J-C.T. On assiste effectivement à un
surprenant retournement de tendances.
Voici dix ans, les magazines s'imposaient
sur le devant de la scène. Bien intégrés
dans la mondialisation, ils s'imaginaient un avenir radieux. A l'inverse,
les quotidiens ressentaient du mal à
tenir leur rang. Désormais, les groupes
de quotidiens ont relevé la tête, alors
que les conglomérats de magazines se
décomposent. Cette situation, d'ailleurs, pose problème à l'interprofession, car personne n'est plus disponible
pour reprendre les flambeaux tenus
naguère par Bruno Lesouef chez Lagardère,
ou Xavier Romatet chez Condé Nast.
A l'inverse, la presse quotidienne a
réussi son pari impossible de faire émerger l'alliance des quotidiens nationaux
et régionaux, et de l'incarner en la personne d'un redoutable lobbyiste, l'ancien ministre Jean-Michel Baylet, désormais en première ligne pour solliciter
l'Etat et plaider en faveur des droits
voisins en Europe.
Revenons au classement, marqué cette
année par l'émergence d'un nouveau leader, le groupe Figaro. Qu'en pensezvous ?
J-C.T. Le leadership du groupe Figaro
ne résulte pas du hasard. Il démontre
qu'un engagement dans la durée paie,
puisque que la famille Dassault soutient
le quotidien et toutes ses initiatives de
développement depuis près d'un quart de
siècle. Le groupe réalise encore
aujourd'hui 62 % de son chiffre d'affaires à grâce à ses médias, et 11 % dans
les annonces classées. Quant aux services
et à l'e-commerce, ils représentent déjà
27 % de l'ensemble. Mais la résistance de
la production imprimée est forte, puisque
le print assure la moitié du chiffre d'affaires, contre 41 % pour toutes les activités digitales, même si l'érosion qui

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