Les clés de la presse - Mensuel - n°28 - Janvier 2012 - (Page 6)

6 Les Clés de la presse - janvier - février 2012 « La presse doit mieux hiérarchiser l’information » Sociologue et spécialiste des questions de société, Serge Guérin décrypte pour nous les enjeux de la presse, et les bonnes raisons de continuer à croire au papier. Pour Serge Guérin, l’avenir de la presse se dessine dans la prise de recul et la proximité. Elle doit jouer un rôle plus important dans le débat public; en s’engageant, en prenant parti. Il rappelle par exemple que les grands pédagogues utilisaient le média presse, l’actualité, le rapport au monde, pour aider les enfants à comprendre le monde. « Comme l’école, le média a une logique transversale », souligne-t-il. teur. Cela fait partie des organes de pouvoir, il regarde d’en haut les choses d’en bas. Cette façon de faire établit une distance entre l’émetteur et le public. Le média, c’est un peu un robinet d’eau tiède : avant, en lisant un journal, on affirmait un statut. Aujourd’hui, cette capacité d’aspérité forte a disparu. Il n’y a pas assez de différence, de prise de position. Que préconisez-vous pour reprendre confiance en la presse ? S. Gu. Il faut renouer avec la notion d’empathie, et redonner une identité forte à la presse. Des magazines comme Philosophie magazine, Sciences humaines ou Alternatives économiques ont relevé le défi, ils se sont positionnés. Concrètement, quels conseils pourriezvous donner aux éditeurs pour améliorer les choses ? S. Gu. La presse est l’ensemble d’un dispositif de communication, elle doit se demander ce qu’elle peut proposer d’autres en termes de services, étendre sa gamme. Elle doit également affirmer son axe éditorial. Les faits sont là, ils sont essentiels, mais le besoin, aujourd’hui, est de donner du sens aux faits : reprendre le temps, relire si besoin, donner une interprétation subjective à partir de données qui existent. Il faut gagner en puissance d’interprétation. L’avenir de la presse est dans sa capacité à interpréter, à hiérarchiser, dans ce torrent continu d’informations. Par ailleurs, la presse devrait être plus actrice dans le débat public. Bien souvent, elle reste dans le commentaire, alors qu’elle doit être dans la discussion, en soutenant, en s’opposant. Par exemple, elle devrait participer au débat sur l’école. Il n’est pas logique qu’elle soit si peu présente dans cette sphère. Qu’est ce que l’école si ce n’est l’apprentissage de l’écrit, l’apprentissage du monde ? Les élèves sont de futurs clients, de futurs lecteurs de la presse. Les journalistes pourraient s’engager directement, participer à cette vie. Les éditeurs auraient intérêt à s’investir plus, à prendre le risque d’établir un contact direct avec le lecteur par le biais de rencontres. Tous les mois, par exemple, des lecteurs pourraient assister aux conférences de rédaction, après un stage de formation sur les contraintes du métier. Ils seraient directement impliqués et pourraient donner leur avis. Plus globalement, quel est selon vous le rôle de la presse dans notre société ? S. Gu. Elle devrait être un contre-pouvoir, mais elle joue davantage le jeu du 4ème pouvoir. Dans les journaux nationaux, la promotion de la Légion d’honneur 4 Les Clés de la presse. Pour vous, quel est aujourd’hui le problème essentiel de la presse ? Serge Guérin. La parole publique a perdu de sa crédibilité. Il y a une contrainte de lisibilité majeure : les médias, les politiques, tout ce beau monde vit dans une autre sphère. Un article sur les quartiers ressemble par exemple à un article sur la Somalie, nous retrouvons ce même sentiment d’exotisme. La façon d’angler un sujet provient souvent d’une incapacité à se mettre à la place du lec-

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