i+D - Janvier/Fevrier 2018 - 24

Les affaires
du design
Le design à l'ère
numérique

Elle contourne tout ça en demandant un prix forfaitaire pour ses services de design.
Lorsqu'un client choisit la « gestion des achats », où l'agence de design commande et fait
le suivi des biens d'un projet, on lui facture des frais de 30 à 35 pour cent pour ce service.
Mais lorsque vient le temps de payer la marchandise comme telle, dit Mme Harbinger,
« il n'y a aucune majoration du prix de la vente, je paie avec la carte de crédit des clients. »
La leçon à retenir de tout ça est que « votre argumentaire de vente doit porter sur les services
d'organisation d'ensemble des espaces plutôt que sur des services de magasinage de produits »,
explique-t-elle. Et il ne faut pas sous-estimer la communication du design et le processus
de personnalisation. Je dois chercher à découvrir ce que les clients ont en tête, comprendre
qui ils sont et ce qu'ils aiment, plutôt que ce que j'aime, moi. Lorsque vous pouvez vendre vos
services de cette manière, vous déboulonnez toute la notion de magasinage dans les grandes
surfaces et en ligne. »
Combattre la mentalité des solutions rapides en modifiant le récit
L'industrie est aussi aux prises avec la mentalité des solutions rapides qui s'est insinuée
dans la conscience des consommateurs à la suite des émissions de transformations de
design résidentiel. Ces émissions ont favorisé une incompréhension ultra-simpliste et teintée
de raccourci-vers-le-design relativement au travail et à la connaissance de l'industrie
que réunissent les professionnels lorsqu'ils créent un lieu sur mesure pour leur client.
Les clients regardent ces émissions et y voient des remodelages complets de maisons réalisés
en 30 minutes, sans se rendre compte que « beaucoup de ce travail se fait hors caméras et
dans les coulisses, ce qui dévalue le processus », indique M. Kasper. Le processus est essentiel
pour le design d'intérieur, mais « c'est un phénomène tellement difficile à vendre,
car il n'est pas visible, aux yeux des clients. »

Liza Hausman,
Houzz

Détromper les clients relativement à ces notions de raccourcis
passe par la rééducation du public, ajoute-t-il. Et c'est justement
ce que fait l'entreprise de M. Kasper, en modifiant son discours
avec les clients et en concrétisant dans leur esprit ce je ne sais quoi
qu'offrent les designers professionnels. La valeur d'un designer
repose grandement sur l'aménagement des « espaces entre les
objets » dans une maison - l'« appropriation d'un lieu »
(placemaking) comme le nomme Jason Kasper - où résident
souvent les sentiments et la nostalgie. Et pour que cela puisse
prendre vie, l'on ne peut que le « cultiver avec les clients par
la discussion. Les bons designers traduisent les émotions et les
attentes des gens en solutions de design, en y superposant leur
expérience et leur base de connaissances - qui comprend aussi
les choses qu'ils ont moins bien réussies dans le passé. J'ai un
jour entendu ceci : "Les normes sont des preuves documentées
des erreurs du passé"... et c'est ce pour quoi paie le client »,
explique-t-il.
Coexistence et collaboration
Les programmes commerciaux de design, mis sur pied par des
détaillants traditionnels ayant pignon sur rue aussi bien que par
des marchands du commerce électronique, peuvent servir de
voie à une relation fructueuse et mutuellement bénéfique, selon
certaines personnes interrogées.
Les services de type « concierge » offerts par des détaillants
tels que Room & Board, Restoration Hardware, Crate and
Barrel, et Lamps Plus, qui travaillent exclusivement avec les gens
de métier du design, ont été un atout dans la recherche et
l'approvisionnement de produits pour un projet, offrant des prix
préférentiels aux designers d'intérieur, selon Mme Harbinger.

Phyllis Harbinger,
Harbinger Design
Consulting
(Photo :
Dawn Sela
Photography)

Houzz, qui affiche des profils de designers et des portfolios de
projets, tout en vendant divers articles, dit que son programme
commercial aide la communauté du design alors qu'elle devient
de plus en plus transparente auprès de ses clients à propos du prix
des produits offerts au détail. « L'un des nombreux moyens de
Houzz d'appuyer la communauté du design d'intérieur est notre
programme commercial », indique Liza Hausman, en faisant
remarquer que les « directeurs de compte attitrés de l'entreprise
permettent aux designers d'intérieur de passer moins de temps
aux tâches administratives. »

Jason Kasper,
IDEATE
Design
Consulting

En même temps, selon Mme Harbinger, les plateformes visuelles
en ligne facilitent l'échange d'idées avec les clients, la collaboration
sur l'orientation du design et le choix des produits. Les clients
peuvent partager leurs idées sur les sites de scrapbooking
virtuel comme Pinterest, entre autres, et d'autres, axés sur les
professionnels, tels que Houzz Ideabooks et Wecora, où
les designers peuvent partager leurs tableaux de visualisation
avec les clients. Le site facilite le processus d'idéation.
« Vous pouvez inviter les clients à consulter le tableau et ainsi
vous éviter de nombreuses réunions », ajoute-t-elle.

Farooq Kathwari,
Ethan Allen
Interiors Inc.

(Photo :
Michael
Rodgers)

i+D - janvier-février 2018

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