i+D - Janvier/Fevrier 2018 - 35

Quatre villes : une histoire - par Brian J. Barth

Bien entendu, l'embourgeoisement possède aussi un côté sombre, et
Pittsburgh n'y a pas échappé. Les nouveaux quartiers les plus branchés sont
souvent des endroits qui étaient jadis dominés par des cols-bleus - des gens
qui ont, non seulement perdu leur emploi, mais qui sont maintenant aux prises
avec des loyers exorbitants et la perte de leur sentiment de communauté alors
que les nouveaux venus biens nantis arrivent en masse. Ces collectivités ont
cependant trouvé un champion dans Design Center Pittsburgh, un groupe à
but non lucratif fondé pour « apporter une expertise en design à des quartiers
qui sont déchirés par le processus du réaménagement », selon son présidentdirecteur général, Chris Koch.
Les urbanistes et les architectes du centre de design agissent comme
intermédiaires entre les résidents locaux et les promoteurs, pour faire
en sorte que leurs voix soient entendues. « Nous avons la capacité de parler aux
deux camps, en travaillant à harmoniser les préoccupations de chacun et
trouver des scénarios gagnant-gagnant. Nous ne cherchons pas à décourager
le réinvestissement, mais il est important que nous aidions les collectivités
à comprendre comment le design peut jouer un rôle dans le réaménagement
d'une manière qui profite réellement au quartier - car ainsi, elles participent
au processus de décision plutôt que les subir », explique M. Koch.

« Nous ne cherchons pas
à décourager le réinvestissement,
mais il est important que nous aidions
les [collectivités de Pittsburgh] à
comprendre comment le design peut
jouer un rôle dans le réaménagement...
qui profite réellement au quartier -
car ainsi, elles participent aux
processus de décision plutôt
que les subir. »
-CHRIS KOCH, DESIGN CENTER PITTSBURGH

TORONTO : Ville de l'avenir
Au cours des dernières années, la plus grande région urbaine du Canada
s'est souvent retrouvée au haut de la liste des villes les « meilleures » et les
« plus habitables ». Avec plus de la moitié de sa population née dans un autre
pays, Toronto est officiellement la ville la plus diversifiée au monde. C'est aussi
le marché technologique à la croissance la plus élevée en Amérique du Nord,
créant des emplois de haute technologie à un rythme deux fois plus rapide que
San Francisco. Certains pourraient dire que c'est grâce au design.
La Ville s'est donné comme priorité de préserver les paysages de rue
des quartiers éclectiques qui ont fait sa renommée, tout en investissant
aussi fortement dans la création de parcs, de places et de musées de
classe mondiale. Nulle part ailleurs l'accent sur le design innovant n'est plus
apparent que le long du secteur riverain du lac Ontario, qui en est maintenant
à la 17e année d'un projet de réaménagement sur 25 ans et 30 milliards de
dollars. Deux mille acres d'anciennes terres industrielles, pour la plupart
étant propriété du gouvernement, ont été récupérés à des fins résidentielles,
commerciales et publiques. Les résultats à ce jour ne sont rien de moins
que sensationnels.
Christopher Glaisek, premier vice-président pour la planification et le design
chez Waterfront Toronto, une société publique créée par le gouvernement pour
superviser cette initiative de réaménagement urbain, explique : « Il ne s'agit pas
d'une classique société de développement économique que les villes mettent
en place pour disposer de terrains inutilisés, où l'objectif est simplement de
maximiser le rendement financier. Celle-ci a été mise en place pour exploiter
ces atouts dans le but d'en faire quelque chose de vraiment remarquable pour
la ville. L'idée est de créer un secteur riverain qui attirera le monde entier et qui
mettra le Canada en vedette auprès du monde entier. » M. Glaisek ajoute que
son « mantra » pour y arriver est « l'excellence du design ».

Waterfront Toronto a mis sur pied dès le départ un comité d'examen du
design, comptant certains des plus grands designers du pays, notamment les
Bruce Kuwabara, Peter Busby, et - oui - Claude Cormier. À mesure que
les promoteurs présentent des propositions pour les terrains riverains, le
comité les critique rigoureusement. « Ils savent qu'ils doivent se mettre
"sur leur 31" en matière de design, car ils seront examinés par des designers
qui, eux, sont toujours sur le leur (31) en ce qui a trait au design », indique
M. Glaisek. L'une des premières tours de logements en copropriété à avoir été
érigée n'a été conçue par nul autre que Moshe Safdie. « C'était là l'illustration
que les promoteurs savaient que la barre était haute et qu'ils devaient faire
bonne impression sur le comité », fait remarquer M. Glaisek.
Le réaménagement du secteur riverain de Toronto a attiré des milliards de
dollars d'investissements privés et créé 20 000 nouveaux emplois dans
ce qui n'était jusqu'à tout récemment qu'une parcelle abandonnée de la ville.
Bon nombre de ces emplois proviennent des domaines du divertissement
et de la technologie. La construction du Waterfront Innovation Centre, un
incubateur d'entreprises technologiques construit exprès à cet effet,
commencera bientôt ; Sidewalk Labs (société sœur de Google en matière
de technologie urbaine) a été choisi pour développer 12 acres de terrains
vacants « à partir d'Internet » (from the internet up) - un slogan qui décrit
sa vision des « villes intelligentes » de l'avenir.
Les entreprises technologiques créatives « sont une chose que nous avons
activement tenté d'aller chercher », souligne M. Glaisek. « L'excellence
en design ne consiste pas uniquement à mettre un beau vernis sur les
choses. C'est aussi la qualité d'un lieu, qui est désormais un atout sur lequel
nous pouvons miser pour attirer des investissements. La qualité du lieu est
maintenant notre marque de commerce ; c'est devenu un identifiant
de la ville de Toronto. »

Une série de concours de design de haut niveau s'est traduite par un grand
nombre de lieux emblématiques comme les ondulants WaveDecks et
The Bentway. Semblable au High Line Park de New York, mais sens dessus
dessous, The Bentway est un parc linéaire artistiquement conçu qui se trouve
sous une voie rapide surélevée traversant le centre-ville.

i+D - janvier-février 2018

BRIAN J. BARTH
est un journaliste à la pige ayant des antécédents
en planification et design de l'environnement. Il a
collaboré à une gamme de publications,
du Landscape Architecture Magazine
à NewYorker.com.

http://www.NewYorker.com

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