i+D - Juillet/Aout 2018 - 47

Réaménager l'histoire - par Brian Libby

Hybrides ancien-nouveau
Il arrive parfois qu'un bâtiment ne fasse pas qu'inviter le changement, mais
qu'il l'impose. Le Portland Building de Portland en Oregon, par exemple, est
inscrit dans le registre national, car il est le premier grand édifice d'Amérique
construit dans le style postmoderne. Mais, bien que la façade extérieure de cet
édifice (dont on est en train de remplacer l'enveloppe) qui abrite les bureaux de
la Ville offrait un amalgame ludique de couleurs et de références historiques,
l'intérieur était sombre et comportait principalement des pièces banales aux
murs de gypse. Les architectes, DLR Group, établi à Portland et à Seattle,
ont répondu à la demande de leur client de concevoir un environnement de
bureaux plus contemporain, non seulement en remplaçant la façade de verre
teinté par du verre clair pour ajouter de la lumière, mais aussi en retirant les
anciens postes de travail à hautes parois pour les remplacer par des postes à
position debout/assise séparés uniquement par de petites cloisons de tissus
colorés. « Nous voulions que l'intérieur offre autant d'intérêt que l'extérieur »,
explique Carla Weinheimer, associée principale de DLR Group. Les designers
se sont également inspirés de la structure de béton d'origine en tant que
telle, qui n'avait jamais auparavant été exposée, mais qui fait désormais
partie de l'intérieur. « J'ai eu plaisir à composer ce dialogue entre la préciosité
de l'extérieur et la solide structure de l'intérieur de l'édifice, indique Mme
Weinheimer. Nous avons estimé qu'il fallait l'exposer, car le ratio de surface
de plancher est relativement faible. Mais cela a été une occasion de donner un
nouveau sens à ce qui a toujours été là. »
Bien entendu, il n'existe pas qu'une seule formule pour restaurer un bâtiment
historique. La clé, selon les designers et les architectes, est d'écouter ce
dont a besoin ce bâtiment et de découvrir où se trouvent les possibilités.
« Nous désirons toujours distinguer clairement l'ancien du nouveau, mais
le réel objectif est une question de continuité », indique Bernard Serge
Gagné d'ABCP, une fois qu'on eut donné une nouvelle vie au monastère des
augustines. « Nous devons faire preuve d'humilité et reconnaître les qualités
d'un bâtiment. Mais, à l'intérieur de ces paramètres, vous pouvez créer des
lieux totalement nouveaux. »

BRIAN LIBBY
est journaliste, photographe
et cinéaste primé. Ses articles ont
paru dans The New York Times,
The Wall Street Journal, The Atlantic,
et Architectural Digest.

Conservation :
prochaine génération
Si la conservation de bâtiments historiques consiste en un jeu de
pratiques exemplaires qui s'adaptent avec le temps, l'évolution
de la manière d'enseigner la préservation est peut-être ce qui la
représente le mieux : un amalgame entre la conservation et
l'esprit d'entreprise en design.
Par exemple, le Savannah College of Art and Design (SCAD)
en Géorgie, qui a créé le premier programme de design de la
conservation aux États-Unis. « Nous avions constaté que nos
diplômés, bien qu'ils réussissent et fussent bien outillés, avaient
de la difficulté à trouver un emploi durable qui leur permettait
de gagner leur vie », explique Ivan Chow, recteur de la School
of Building Arts du collège. « Ils pouvaient trouver des emplois
auprès de programmes de conservation historique publique et de
musées privés. Mais ces types d'emplois sont limités en nombre.
C'est pourquoi nous avons songé à élargir notre programme
afin d'outiller nos étudiants en leur offrant un ensemble de
compétences plus étendu. Notre programme d'études sur les
bâtiments historiques les formait sur la manière de les conserver,
mais pas de les concevoir. Nous avons donc introduit un élément
en conception et nous offrons des cours qui enseignent les bases
de l'entrepreneuriat pour les encourager à prendre le contrôle de
propriétés au lieu d'attendre qu'un promoteur ou une banque
le fasse : à former des entreprises axées sur la conservation
historique. C'était un élément qui manquait. »
De la même manière, l'Université de Montréal est l'une des
rares universités en Amérique du Nord à offrir des programmes
de maîtrise entièrement consacrés à la conservation, où l'on
met l'accent sur l'équilibre entre méthodes de conservation
traditionnelles et solutions créatives. « Je crois que l'intuition
est un élément très fort de la pratique du design, mais lorsque
se présente un bâtiment à valeur patrimoniale, l'intuition doit
être renforcée de méthodologie », explique Claudine Déom, qui
dirige de programme de maîtrise de conservation du patrimoine
bâti. « Ce n'est pas une recette, mais cela donne l'occasion
d'approfondir la compréhension et, par conséquent de, peutêtre, intervenir avec l'existant, plutôt que le considérer comme
un obstacle. » L'université a mis sur pied un nouveau studio de
design pour faire en sorte que la connaissance théorique puisse
être mise en pratique. « C'est un aspect important de notre
travail, dit-elle. Alors que certains programmes offrent des
études portant sur le patrimoine, nous tentons de mettre sur le
marché des étudiants qui peuvent travailler au sein d'équipes
interdisciplinaires et contribuer de leur point de vue. »

Pour faire plus de
lumière dans le Portland
Building, structure
postmoderne primée, les
architectes ont remplacé
le verre extérieur et
les cloisons des postes
de travail à l'intérieur.
(Image : DLR Group)

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