i+D - Juillet/Aout 2018 - 49

Profil ICONique : Dan Menchions et Keith Rushbrook - par Ambrose Clancy

i+D : Quelle est la première chose que vous
remarquez lorsque vous descendez de l'avion
en atterrissant à New York en provenance
de Toronto ?
K. Rushbrook : C'est grouillant d'activité. (Rires
des deux.) Très, très grouillant.
D. Menchions : Et nous sommes très heureux
qu'on rénove enfin LaGuardia.
i+D : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
K. Rushbrook : On a offert un travail à la pige
à Dan là où je travaillais, et il m'a demandé de
l'aider. Ce que j'ai fait. Nous travaillions chacun
de notre côté sur notre table à dessin et on se
disait, « Rencontrons-nous dans quelques heures. »
Nous mettions du Depeche Mode, avions du bon
café et, après deux heures de travail, nous avons
regardé ce que nous avions fait, pour constater que
nous étions arrivés exactement au même concept.
D. Menchions : Nous sommes l'un des rares
couples qui passent 24 h sur 24 ensemble, et nous
le faisons depuis près de 30 ans. Quelqu'un m'a
demandé récemment, « Vivre, travailler, voyager
ensemble, comment faites-vous ? » J'ai répondu,
« Comment pouvons-nous ne pas le faire ? »

Image : Danilo Agutoli

i+D : Les Yankees sont tellement ancrés dans
la tradition - avez-vous eu à réfléchir à la
manière de satisfaire les irréductibles gardiens
de l'éternelle flamme des Yankees ?
D. Menchions : Disons que vous ne vous
aventurez pas trop loin de la marque. Il existe
deux nuances de bleu Yankees et ce sont ces deux
nuances que vous utilisez. Mais nous avons été
en mesure de travailler avec eux et d'élargir avec
succès la marque d'une manière différente. Il y a
des signes de la nature historique des Yankees et
nous les portons vers l'avenir.
i+D : Il y a eu d'énormes changements en
matière de conception des espaces de vie,
les designers se faisant à l'idée que certains
jeunes adultes sont réticents à quitter le nid
familial ; des générations différentes vivent
ensemble et le mouvement des micromaisons prend de l'ampleur. Quels défis ces
changements culturels entraînent-ils ?
K. Rushbrook : Le premier défi est de comprendre
la relation entre le parent et son enfant. Vous serez
toujours l'enfant de vos parents, peu importe
l'âge que vous avez. C'est pourquoi, en vivant
ensemble, il faut qu'il y ait des frontières, et une
possibilité d'indépendance.
D. Menchions : Si vous vivez dans une maison
ou un immeuble en copropriété, il peut y avoir
des appartements individuels pour la vie privée.
Nous voyons, dans des immeubles de copropriétés,
différentes générations, les parents dans une suite,
les grands-parents dans une autre et les enfants
dans une troisième. C'est un excellent moyen de
s'entraider, d'être près les uns des autres, tout
en ayant une réelle indépendance.

K. Rushbrook : Nous avons conçu les premiers
micro-condos au Canada, appelés Smart House.
Certaines unités font 253 pi 2 (23,5 m 2), et d'autres
758 pi 2 (70,4 m 2) avec deux chambres, deux salles
de bains. Il s'agit d'apprendre à être créatif dans
des lieux de petite superficie, que vous viviez seul
ou en famille.
i+D : Quelle est la première chose que vous
avez conçue ou construite ?
K. Rushbrook : Quand je vivais au NouveauBrunswick, enfant, il y avait beaucoup de boisés
autour de nous. Nous nous levions le matin
pour aller jouer dehors toute la journée. Nous
construisions des forts dans les arbres.
D. Menchions : C'est marrant, j'ai vécu une vie
urbaine à Toronto, alors on se servait des meubles
de la maison pour créer des forts à l'intérieur.
i+D : Pour concevoir un restaurant, quelle est
la première chose dont il faut tenir compte ?
D. Menchions : Qui est la clientèle ?
K. Rushbrook : Quel sera le menu ? Quel sera le
prix des plats ? Dans quel quartier se situe-t-il ?
D. Menchions : Ce cliché, de concevoir
uniquement pour le client ? Nous y adhérons
vraiment.
i+D : Bien entendu, vous concevez le design
pour le client, mais ne le faites-vous pas
un peu pour vous, pour votre propre sens
esthétique ?
D. Menchions : Pas du tout. Nous ne sommes
pas des designers à l'égo enflé. C'est une chose
que nous avons apprise tôt dans notre carrière.
Lorsque quelqu'un critiquait notre travail, nous
le prenions personnellement. Puis finalement,
nous nous sommes dit, « Ce n'est pas pour nous. »
Je dois rappeler à nos jeunes designers de ne pas
concevoir un design pour eux-mêmes, de penser
aux personnes pour lesquelles ils le font, et de ne
pas prendre personnellement les critiques.
i+D : Quel objet avez-vous toujours avec vous ?
K. Rushbrook : Mon carnet noir en moleskine -
il faut qu'il y ait une enveloppe à l'arrière pour y
mettre des papiers, des coupures que j'ai déchirées
dans des magazines - et un stylo-feutre noir.
i+D : Travaillez-vous trop ?
D. Menchions : C'est notre vie ; nous ne
connaissons pas vraiment autre chose. Nous
avons mis beaucoup de temps à comprendre les
niveaux de travail des gens avec lesquels nous
travaillons, et quelles sont nos attentes envers eux.
Nous savons que nous devons nous occuper de
ces personnes et de la culture de l'entreprise, nous
assurer que le travail arrive et que tout le monde
est occupé.

i+D - juillet-août 2018

K. Rushbrook : Nous sommes toujours les deux
premiers au studio chaque jour, et nous avons
environ 90 minutes avant que le personnel arrive.
Nous mettons la musique à fond et nous nous
laissons entraîner.
i+D : Qu'est-ce que vous écoutez ces temps-ci ?
K. Rushbrook : (Riant.) Tout ce que les jeunes
écoutent. Nous avons du rock vraiment dingue, ou
un Top 40, qui est fantastique. Certains morceaux
sont jazzy, de l'électronique. De tout.
i+D : Quel a été votre premier emploi ?
D. Menchions : Lorsque j'avais cinq ou six ans,
je peignais des tableaux et je les vendais de porteà-porte.
i+D : Brillant garçon. Qui peut refuser une
peinture d'un gamin de cinq ans qui se tient
à sa porte ? Et qu'en avez-vous retiré ?
D. Menchions : Commencer tôt et faire du porteà-porte. Cela vous mènera à bien des endroits.
i+D : De quels éléments ne tenez-vous pas
compte lorsque vous consultez le CV d'un
candidat à un poste ?
K. Rushbrook : Je regarde tout. Mais ce qui
m'intéresse le plus, c'est ce qu'ils font lorsqu'ils
ne travaillent pas. Ce qu'ils lisent. Où ils vont,
lorsqu'ils sortent manger avec des amis. Et
je demande toujours : « Si j'éteignais votre
ordinateur, où iriez-vous pour trouver de
l'inspiration ? » Avec Pinterest et les blogues sur le
design, tout le monde regarde les mêmes choses.
i+D : Quel sport pratiquez-vous ?
K. Rushbrook : Le magasinage.
D. Menchions : (Riant.) Nous faisons du yoga
trois fois par semaine. Nous étions accros à
l'entraînement pendant de nombreuses années,
mais nous avons abandonné, car nous avions trop
mal partout.
i+D : Ne vous débranchez-vous jamais ?
K. Rushbrook : Cela arrive dans un avion. Parce
que parfois (riant), la technologie ne fonctionne
pas. Mais j'apprécie vraiment ces moments.
D. Menchions : Et, quand on est de l'autre côté de
la planète, avec les différents fuseaux horaires, le
reste du studio est en train de dormir.

AMBROSE CLANCY
est rédacteur en chef du Shelter
Island Reporter et romancier, auteur
documentaire et journaliste. Ses articles ont
été publiés dans GQ, The Washington
Post, et le Los Angeles Times.

i+D - Juillet/Aout 2018

Table des matières de la publication i+D - Juillet/Aout 2018