i+D - Janvier/Fevrier 2019 - 35

De la pensée et du processus - par Brian J. Barth

combiner le design graphique avec quelque chose de comestible. »
Les biscuits à message - Beverly Horii les a commercialisés sous
le nom de « mookies » - ont fait un tabac. Mais elle est finalement
revenue au design d'intérieur.
« Je n'ai pas eu un cheminement de carrière très linéaire, ce qui,
d'une certaine façon, ressemble à l'idée de la pensée design -
c'est très itératif, admet-elle. Dans chacun de ces rôles, j'ai appris
quelque chose de nouveau sur ce qui était important pour les gens
ainsi que sur la façon dont travaillent d'autres designers. Cela m'a
appris l'empathie. Vous devez laisser tomber votre garde un peu
pour pouvoir vraiment collaborer avec les autres et produire quelque
chose qu'aucun designer ne peut faire seul. »
Le long de ce sentier sinueux qu'a été sa carrière, elle a acquis
une formation dans l'art du feng shui. Cette pratique empathique
consistant à diriger le flux d'énergie dans un lieu au profit de
ceux qui en feront l'expérience s'est révélée utile récemment,
lorsque sa société a décidé de concevoir de nouveaux bureaux
pour son personnel de Toronto. Le bâtiment dans lequel ils allaient
emménager était un édifice construit en 1914 et auparavant occupé
par la Banque Royale du Canada. Les murs de briques et les poutres
surdimensionnées étaient charmants, mais certains endroits
étaient un peu sombres et lugubres. L'analyse de feng shui qu'a
fait Mme Horii des lieux visait à améliorer les zones à « énergie
positive » tout en neutralisant les zones à « énergie négative ».
Dans la séquence de l'entrée, consacrée « zone d'eau et de bois »,
on a intégré du lambris en bois vertical et de la peinture noire
(couleur associée à l'eau, en feng shui) pour couvrir les énormes
poutres métalliques afin qu'elles s'estompent. « Nous aimons
considérer le feng shui comme une forme ancienne de design fondé
sur des données probantes », fait remarquer Mme Horii.

L'ensemble du personnel du bureau a participé au processus de
conception. À un moment donné, pour débarrasser les lieux des
anciennes énergies négatives, on a tenu une cérémonie qui a
consisté à faire brûler de la sauge, taper des mains, faire tinter des
clochettes et allumer des bougies.
« Les énergies sont poisseuses - elles peuvent s'incruster dans
certains lieux, rester collées aux gens, indique Beverly Horii. Nous
voulions chasser les vieilles énergies bloquées dans les coins et
autres parties des locaux. »
Certains éléments ludiques ont aussi fait partie de l'intervention
d'IA dans ses nouveaux bureaux. On a invité chacun des employés
à apporter un article pour contribuer au « mur totem », qui a été
aménagé de l'un des côtés de la salle commune. Vous y trouvez des
objets allant du cube Rubik au contrôleur de jeu vidéo, en passant
par un mousqueton d'escalade et une canette de Guinness.
On a même tenu un concours pour déterminer le nom des diverses
salles de réunions. Bien que le groupe de Toronto ait une tradition
par laquelle un membre du personnel produit un cocktail signature
servi lors de chaque rencontre sociale, certains employés du bureau
ne boivent pas. C'est pourquoi on a élargi les règles du concours
pour y inclure les noms de variétés de cannabis. Après tout, le
Canada vient de légaliser la marijuana à des fins récréatives. L'une
des salles porte désormais le nom de « Space Queen » et une autre
se nomme « Northern Lights ». « Celle-ci, indique Beverly Horii avec
un petit rire, fait à la fois référence à un cocktail et à une variété
de cannabis. Nous avons eu bien du plaisir à faire cet exercice. Cela
fait partie de notre culture de ne pas nous prendre trop au sérieux.
Et ça renforce notre sentiment communautaire. »
Ces facteurs de communauté et d'expérience personnelle sont
au cœur de tout bon design, quel que soit le chemin emprunté.
Ainsi, cette première étape pour concevoir un meilleur processus
de design est peut-être de prendre du recul et d'examiner chaque
voie possible - des anciennes idées au sujet de l'énergie et
du flux aux interventions scientifiques les plus modernes,
en passant, sans conteste, par tous les éléments humains qui
se trouvent entre les deux.

BRIAN J. BARTH
est un journaliste à la pige ayant
des antécédents en planification et design de
l'environnement. Il a collaboré à une gamme
de publications, du Landscape Architecture
Magazine à NewYorker.com.

Pour le bureau de Toronto
d'IA Interior Architects, le design
a été un effort de collaboration,
combinant certains aspects du feng
shui et des contributions à un mur
totem, entre autres.
(Photo : Ben Rahn / A-Frame)

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