i+D - Mai/Juin 2019 - 51

Profil ICONique : Stanley Felderman et Nancy Keatinge - par Ambrose Clancy

i+D : Vous êtes connus pour votre design
de bureaux. Pouvez-vous parler du sentiment que
cela fait d'entrer dans un bureau qui semble vous
crier dessus ?
S. Felderman : Certains lieux sont agressants, sur le
plan acoustique, mais aussi visuellement. Dans la vie,
nous avons besoin d'équilibre et de calme, et c'est ce
que nous désirons apporter aux bureaux.
N. Keatinge : Nous ne nous intéresserons pas
seulement aux visiteurs, mais aussi aux employés,
à comprendre ce qui compte pour eux. Certains
nous disent « J'adore venir travailler », et d'autres
évoquent un sentiment de sécurité. Cela a été une de
nos priorités pendant 20 ans, depuis le réseau MTV.
i+D : Des cadres supérieurs vous ont-ils déjà
reproché d'être trop centrés sur les employés
dans vos propositions ?
N. Keatinge : Oui. Et nous leur disions : « Si vous
ne pouvez pas trouver l'argent dans votre budget,
nous pouvons changer des choses et offrir une
meilleure expérience à vos employés. »
S. Felderman : Nous avons une expression,
« Propagez la richesse ». Nous demandons aux
clients comment nous pouvons enrichir l'expérience
des employés, les aider à être plus productifs.
N. Keatinge : Retenir les employés est si important,
quand, de nos jours, ils cherchent toujours à savoir
ce qui se passe ailleurs.
i+D : La tendance dans les bureaux, ce sont
les espaces ouverts, pour encourager la
collaboration. Vous arrive-t-il de songer au
confort des introvertis de talent ?
N. Keatinge : Toujours. Il y a des gens qui ont besoin
d'intimité. C'est essentiel, par exemple, de prévoir
des endroits où vous pouvez aller faire un appel
téléphonique sans avoir à sortir de l'immeuble. Et des
lieux tranquilles pour les conversations tranquilles.
i+D : Vous êtes la preuve vivante que les
contraires s'attirent. Nancy, vous êtes de L.A.
Qu'aimez-vous de New York outre son animation ?
N. Keatinge : Voir ce qui se passe dans les galeries
et les musées. C'est inspirant.

Image : Danilo Agutoli

i+D : Stanley, qu'est-ce que vous aimez
de L.A. hormis son climat ?
S. Felderman (riant) : Voyons voir. Le climat ?
i+D : Au moins, vous n'avez pas dit, « rien ».
S. Felderman : Bon, d'accord. Il y a un véritable
sentiment de communauté ici. Les gens croient
qu'à Los Angeles il y a cette attitude de laissez-faire,
mais c'est vraiment tout à fait le contraire. Je trouve
que c'est vivifiant. Quand je vais à New York,
c'est explosif, en continu. J'adore ça. Mais ici,
je vois l'océan Pacifique tous les jours. C'est
un endroit qui m'élève. Mon cerveau fonctionne
d'une façon plus calme.

i+D : Êtes-vous collectionneurs, en plus de l'art ?
N. Keatinge : Nous collectionnons les chaises.
S. Felderman : Dans notre maison, nous avons des
chaises par Frank Gehry, Hampton, Maya Lin, et
d'autres. Nous sentons la présence des concepteurs.
N. Keatinge : C'est comme avoir une conversation
avec eux.
S. Felderman : Je collectionne également les tasses
à café pour emporter, et je les transforme. Allez voir
ma page Instagram. D'autres designers collectionnent
maintenant mes tasses.
i+D : À quelle fréquence vous déplacez-vous
pour le travail ?
N. Keatinge : Environ une fois par mois.
i+D : Des plaisirs coupables pour faire passer la pilule ?
S. Felderman : Le chocolat est mon point faible.
Dans les aéroports, j'achète toujours des chocolats
de spécialité. Ou de la crème glacée.
N. Keatinge : Et, lorsque nous pouvons l'obtenir,
un siège plus confortable.
i+D : Vous avez parlé de la notion de
« design total ».
N. Keatinge : Nous concevons tout sur mesure pour
nos clients, meubles, luminaires, art, de sorte que cela
reflète ce qu'ils sont, eux et leur marque. Nous avons
fait du design industriel pour différentes entreprises
au fil des ans, nous regardons donc l'espace dans
sa totalité, pas seulement en pièces détachées.
i+D : Que lisez-vous en ce moment ?
N. Keatinge : « Grit », par Angela Duckworth, un
livre qui dit que parfois ce n'est pas qu'une question
de talent, mais que c'est la persévérance qui vous fait
avancer, et la passion pour ce que vous faites. Ne pas
faire du « sur place », mais réinventer, regarder ce
qui s'en vient. Les gens créatifs sont ceux qu'on ne
remplacera pas.

i+D : Quel est l'outil de réussite essentiel
pour un chef d'entreprise ?
N. Keatinge : L'intégration de vos employés à ce
que vous faites. Nous emmenons nos collaborateurs
dans les réunions avec les clients afin qu'ils entendent
et comprennent ce qui se passe dans le projet.
Rien ne se perd dans la traduction. Les gens savent
ainsi qu'ils ont de la valeur.
S. Felderman : Déléguer pour responsabiliser.
i+D : Quel est le pire conseil qu'on vous a
déjà donné ?
S. Felderman : Un professeur du secondaire m'a dit
que je n'étais pas bon en maths, et que je ne devrais
donc pas aller en architecture.
N. Keatinge : Venant d'une famille d'avocats, on
m'a conseillé de ne pas devenir une artiste, d'aucune
sorte, que je ne ferais jamais d'argent. Erreur.
i+D : Stanley, vous êtes connu pour dessiner
à la main.
S. Felderman : Je n'arrive pas à passer un seul
dîner sans avoir un stylo à la main. Je dessine tout
le temps. Ma mère s'est une fois blessée à la main
avec un stylo quand j'étais enfant alors qu'elle
cherchait quelque chose dans ma poche.
N. Keatinge : Nos filles, Kate et Sara, font
la même chose. Quand nous sortons pour dîner,
nous dessinons tous.
i+D : Mieux que de regarder vos téléphones.
S. Felderman : Nos enfants se plaignent que nous
passons plus de temps qu'elles sur nos téléphones.
i+D : Vous avez de toute évidence fait quelque
chose de bien.
N. Keatinge : Elles sont à la Rhode Island School
of Design. Kate est joaillère et Sara est peintre,
une militante qui veut utiliser l'art pour faire
changer les choses.

i+D : Sur papier ou sur écran ?
N. Keatinge : Papier. J'aime m'asseoir dans mon
fauteuil Womb de Knoll et lire des livres.

i+D : De quel objet ne vous
départissez-vous jamais ?
N. Keatinge : Un petit calepin de notes.
J'aime écrire et j'en ai toujours un avec moi.

i+D : C'est une question de fauteuils ?
S. Felderman : Je suis d'accord avec ça.

S. Felderman : J'ai un collier que Kate m'a fait
lorsqu'elle avait neuf ans. Une torsade en argent.
Cela représente le rapprochement. À neuf ans,
imaginer ce concept... Je ne l'enlève jamais.

i+D : Stanley, vous avez conçu l'un des premiers
guichets automatiques bancaires.
S. Felderman : À l'époque, l'avenir, c'était que
vous auriez une carte, pour obtenir de l'argent
d'une machine... très Flash Gordon. Mosler était
dans le domaine bancaire et c'est comme ça qu'ils le
pensaient. On m'a engagé pour développer le GAB.
Les gens disaient, « Personne ne va jamais obtenir
de l'argent dans une machine. » Les gens voulaient
que quelqu'un soit là pour le traiter, pour l'avoir
en main. Et, quelqu'un à qui parler.
i+D : Personne n'y pense plus, obtenir de
l'argent sur un coin de rue partout dans le
monde, si rapidement et efficacement.
S. Felderman : Le design du guichet devait changer
le statu quo. Et, il l'a fait.
i+D - mai-juin 2019

i+D : Vous vivez, éduquez des enfants et
travaillez ensemble... Comment faites-vous
pour ne pas vous entretuer ?
S. Felderman (riant) : Nous avons un profond
amour l'un pour l'autre. Nous aimons être ensemble.
Il faut être un bon auditeur et avoir la passion de
ce que nous faisons.
N. Keatinge : Et un bon sens de l'humour.
S. Felderman (riant) : Oui, ça aussi.
AMBROSE CLANCY
est rédacteur en chef du Shelter Island Reporter et
romancier, auteur documentaire et journaliste. Ses
articles ont paru dans GQ, The Washington Post
et le Los Angeles Times.

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