i + D French - January/February 2020 - 23

Spécifier ou
ne pas spécifier ?
Les considérations éthiques ne se limitent pas uniquement à la nature d'un
projet. Elles s'étendent à la spécification de produits et à leur impact sur
les occupants et l'environnement. La diligence raisonnable est essentielle en
prenant ces décisions.
Prenons le débat autour du vinyle, par exemple. De nos jours,
de nombreux designers ont juré de ne jamais utiliser de produits faits de
vinyle dans un projet, parce qu'on a fait la preuve que le chlorure
de polyvinyle (PVC) était dommageable pour les occupants. Mais éviter
le vinyle, est-ce toujours la meilleure décision ?
Jane Rohde, directrice et fondatrice de JSR Associates, fait valoir que ce
n'est pas toujours si net, lorsqu'on tient compte de tous les faits. Après
avoir visité plusieurs usines de fabrication de vinyle et étudié comment on
le fabriquait sur le plan scientifique, elle a pu déterminer qu'en ce qui a
trait à la qualité de l'eau potable, par exemple, des tuyaux en PVC inertes
et exempts de plastifiants étaient mieux pour la santé que des tuyaux en
fonte qui se corrodent et transmettent des sédiments et autres contaminants
dans l'eau.
Et elle a payé le prix de cette prise de position. « Des gens m'ont attaquée
verbalement et s'en sont pris à moi physiquement en raison de mon
opinion en faveur du vinyle, se rappelle-t-elle. Elle dit qu'elle fait de son
mieux pour suivre les développements scientifiques et a tendance à ne pas
prendre au pied de la lettre toutes les affirmations concernant certains
matériaux de la liste rouge, car certains produits utilisés à leur place
peuvent se révéler défectueux ou non durables à court terme, ce qui est
coûteux en fin de compte.
« Dans le domaine de la santé à l'heure actuelle, nous faisons face à des
pertes de l'ordre de millions dollars en raison de défaillance de ce que les
designers pensaient être un choix plus durable en matière de rembourrage
pour le mobilier, explique-t-elle. J'ai vu une grande partie de certains
produits qui auraient dû être bons pendant 15 ans, ou à tout le moins
7 ans, se révéler défectueux après seulement 18 mois ou 2 ans. C'est
pourquoi cela a été catastrophique pour moi de faire le calcul » - non
seulement en raison du coût, mais parce que le remplacement de ces
produits augmente leur empreinte environnementale.
Dans le même ordre d'idées, beaucoup de designers évitent les produits
ayant une empreinte carbone, ce qui est une méthode à un seul attribut
pour évaluer un matériau - une approche risquée selon Jane Rohde,
et qui comporte des conséquences non désirées. À choisir entre deux
produits d'isolation, par exemple, l'un dont l'empreinte carbone est plus
faible que l'autre, le premier produit est-il toujours la meilleure option ?
Que faire si le produit d'isolation ayant l'empreinte la plus élevée diminue
la charge d'énergie de l'immeuble, ce qui permet de réduire ses émissions
totales de carbone ? « Vous pourriez dans les faits avoir un compromis
avantageux », explique la designer.
De même, en spécifiant un produit fait uniquement de matières recyclées
ou un autre ne contenant pas de dioxyde de titane, vous pourriez en réalité
en choisir un dont l'empreinte environnementale est pire encore » une
fois que l'on tient compte des attributs multiples de toutes les données,
ajoute-t-elle.
« Pour moi, lorsque j'examine les choses dans leur contexte et que j'évalue
si je vais utiliser ou non un produit, je veux m'assurer que cela repose
sur une base scientifique et que j'ai accès aux ressources techniques qui
me permettent de les comparer par moi-même », conclut-elle.
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