i + D French - January/February 2020 - 45

Expressions de puissances
Dans un esprit de dialogue ouvert sur le passage d'un style dicté par la politique
à un autre, il convient de mentionner la transition du baroque au rococo. Cela a
commencé comme une époque engoncée dans des bois sombres et profonds, et
des matériaux de finition imposants. C'était un style ecclésiastique et, par-dessus
tout, imposé par le roi. L'influence baroque fortement ornementée a prospéré sous
le règne de Louis XIV au château de Versailles, où la vie à la cour était conçue pour
refléter tous les caprices du roi ; et cette influence a commencé et s'est terminée
à l'intérieur du palais.
« Aux 16e et 17e siècles, le baroque a vu le jour, en partie pour réinjecter une certaine
vitalité spirituelle dans le catholicisme, dans la foulée de la Réforme, et en partie,
pour confirmer la gloire des monarchies absolues », explique l'historien Coffman.
« Le néoclassicisme du 18e siècle en Angleterre était plutôt l'architecture des
whigs, tandis que l'on considérait le baroque comme l'architecture des tories », les
deux partis politiques de l'époque. Lorsque les sensibilités politiques ont évolué et
que le rococo a commencé à prendre sa place, ni références théâtrales ni fantaisies
ornementales héritées d'une esthétique distinctement baroque ne faisaient défaut,
mais l'on y retrouvait surtout en abondance une liberté sans précédent dans le
design et l'architecture. Grâce à des matériaux plus légers et des tons plus doux
alliés à de grands gestes romantiques, un élément de préférence personnelle s'est
révélé. L'individualisme disposait soudainement d'une voix, d'une perspective,
d'une position qui ne demandaient qu'à s'exprimer.
Cherchant à façonner l'environnement, tant dans l'arène politique qu'à une échelle
plus réduite et résidentielle, de plus en plus de courants charnières dictés par le
design commencèrent à prendre forme et, en fin de compte à modeler les idées
populaires du jour. Par exemple, le mouvement Arts and Crafts est né d'une
insatisfaction envers la production industrielle et d'une ferme conviction que la
valeur d'un objet résidait, en grande partie, dans le travail, le temps et l'ingéniosité
qu'y avait mis l'artisan. Ainsi, un ornement parfait, mais produit en masse, est
inférieur à un autre fait à la main, mais imparfait.
« C'est une noble idée, décrète Peter Coffman, mais le monde a voté selon son
portefeuille. Le Bauhaus partageait la conviction du mouvement Arts and Crafts
que la vie quotidienne devait être remplie de beauté, mais, contrairement à
William Morris et à ses collègues, il a accueilli la machine et la production de
masse. Ce compromis a sacrifié la vénération pour l'artisan à l'accessibilité des
objets magnifiquement conçus à un plus grand nombre de gens, en les offrant
à moindre coût. »
Laetitia Laurent souligne qu'après la défaite de l'Allemagne dans la Première Guerre
mondiale, les membres de la société ont cherché à s'exprimer de manière radicale,
puisqu'ils avaient précédemment été réprimés par l'ancien régime. Une montée
du modernisme, une simplification des formes et l'absence d'ornementations s'en
sont suivies, et l'école du Bauhaus a prospéré jusqu'à ce que les nazis y mettent
fin en 1933. « Avec la fermeture de l'École, ajoute la designer, les professeurs ont
commencé à émigrer et à diffuser les principes modernistes du Bauhaus dans les
endroits où ils élisaient domicile. » Par exemple, Ludwig Mies van der Rohe, qui,
sans crier gare, s'était établi à Chicago.

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