Revue - Les Cahiers sociaux n° 295 - Avril 2017 - 55

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lesquelles un reclassement pourrait être recherché et envisagé (11) . le
praticien doit ainsi expliciter que l'état de santé de l'intéressé « justifie un changement de poste  » et «  éclairer  » son avis «  d'indications relatives au reclassement du travailleur » (12) . il reçoit le salarié
pour échanger avec lui et peut proposer à l'employeur (avec qui il a
aussi des échanges dont la forme n'est pas précisée), par exemple,
l'appui de l'équipe pluridisciplinaire (13) . le décret de décembre 2016
a précisé que le médecin du travail doit réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et avoir actualisé la fiche entreprise (14) . il en ressort qu'en dépit de la disparition de l'exigence d'une
double visite médicale, espacée de quinze jours pour constater l'inaptitude (15) , la simplification promise et/ou espérée n'est pas au rendezvous, s'agissant de l'intervention du médecin du travail.
Ces indications et la phase de concertation entre protagonistes se
veulent pressantes à l'endroit du médecin du travail, qui doit ainsi
initier le cadre dans lequel l'employeur exécutera son obligation de
reclassement, en tenant compte d'éléments médicaux, professionnels et organisationnels. À cet égard, les indications ou propositions
émises par le praticien doivent impérativement être prises en compte
par l'employeur, qui doit en outre informer le premier et le salarié
concerné par écrit, s'il ne peut pas y donner suite (16) . Si la recherche
de réaffectation doit être menée par l'employeur, l'avis du médecin
du travail est par conséquent fondamental dans cette démarche.
la conciliation de l'approche du praticien avec le pouvoir d'organisation de l'employeur sera-t-elle néanmoins toujours réelle et peutelle être garantie  ? la loi demeure silencieuse sur ce point et l'on
peut craindre des contradictions ou une absence de convergence en
matière de «  prévention de la désinsertion professionnelle  » (17)   : le
processus de reclassement suggéré et initié par le médecin du travail vise à un maintien dans l'emploi (quelles qu'en soient les modalités) (18)  ; différemment, le chef d'entreprise sera plutôt enclin à favoriser la rupture du contrat de travail d'un salarié, dont l'état de santé
s'est dégradé, pour lequel une possibilité de réaffectation pourrait
être illusoire et incertaine dans la durée, au regard des difficultés
inhérentes à l'organisation du travail. De ce point de vue, il n'est pas
exclu que le rôle actif du médecin du travail en la matière s'inscrive
dans des perspectives différentes de celles susceptibles de gouverner à la mise en œuvre de l'obligation patronale de reclassement.

(11) Dans le même sens, « au cours de l'examen de pré-reprise, le médecin du
travail peut recommander (...) des préconisations de reclassement » (C. trav., art.
R. 4624-30).
(12) C. trav., art. L. 4624-4.
(13) C. trav., art. L. 4624-5.
(14) C. trav., art. R. 4624-42.

II. L'obligation de l'employeur
En dépit du rôle actif et renforcé du médecin du travail dans le processus, l'obligation de reclassement est d'abord une obligation patronale  : c'est bien l'employeur qui «  propose  » (19) , mais en fonction
des directives et orientations précisées par le médecin du travail (20) .
À  cet égard, il était logique jusqu'à présent d'assimiler l'obligation
de reclassement à une obligation de recherche d'une réaffectation
du salarié inapte. la loi précise dorénavant que cette exigence est
vérifiée lorsque « l'employeur a proposé un emploi (...) en prenant en
compte l'avis et les indications du médecin du travail » (21) . la nouvelle
formule est imprécise et susceptible d'induire en erreur, car l'obligation de reclassement n'est pas une obligation de proposer un autre
emploi ; elle demeure une obligation de rechercher une solution alternative à la rupture des relations contractuelles entre l'employeur et le
salarié. l'échec de ces recherches de reclassement est donc envisageable : la loi d'août 2016 dispose d'ailleurs que, lorsque l'employeur
est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi, il doit communiquer par écrit au salarié inapte, « les motifs qui s'opposent au reclassement  » (22) . la fâcheuse formulation indiquant que l'employeur
« propose » un autre emploi souligne cependant bien que le rôle du
médecin du travail est essentiel dans la recherche de réaffectation :
c'est lui qui fixe le cadre, les perspectives et fournit des indications
utiles, sur la base desquelles l'employeur oriente les recherches de
reclassement.
Sur ce point, contrairement à la formulation de l'article l. 1233-3 du
Code du travail en matière de licenciement pour motif économique
consécutivement à la loi du 17  août 2015, la loi d'août 2016 ne
modifie pas le cadre au sein duquel les recherches de réaffectation
doivent être menées par l'employeur. Seuls les articles l. 1226-4 et
l. 1226-11 du Code du travail (inchangés sur ce point) évoquent une
absence de reclassement « dans l'entreprise ». les articles l. 1226-10
et l. 1226-2 du même code, qui fondent les obligations de reclassement en matière d'inaptitude professionnelle ou non professionnelle,
ne mentionnent nullement un quelconque périmètre dans lequel
les recherches devraient être menées ; pas plus l'entreprise que le
groupe, à l'inverse de ce qui est explicitement prévu en matière de
licenciement pour motif économique. C'est là une différence formelle, notable entre les deux champs, au sein desquels les obligations de reclassement existent. Pour autant, le propos ne doit pas
être exagéré. S'agissant de la thématique de l'inaptitude, il est de
jurisprudence constante que les recherches de reclassement en vue
d'éviter le licenciement du salarié inapte doivent être menées à l'intérieur du groupe auquel appartient l'entreprise, parmi les entreprises
dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent
la permutation de tout ou partie du personnel (23) . Cette exigence
établie se révèle contraignante pour l'employeur et protectrice de
la situation du salarié inapte, quelles que soient les raisons à l'origine de la dégradation de santé : le groupe de reclassement est en
effet un groupe sui  generis dont la caractérisation ne se fonde pas

(15) Sauf exceptions, en cas de danger immédiat pour la santé ou la sécurité du
salarié ou celles des tiers, ou en cas d'examen de pré-reprise dans un délai de
trente jours (C. trav., art. R. 4624-31 anc.). À présent, s'il y a deux visites, elles doivent
être espacées d'un délai maximal de quinze jours (C. trav., art. R. 4624-42 nouv.).

(19) C. trav., art. L. 1226-2 et C. trav., art. L. 1226-10.

(16) C. trav., art. L. 4624-6.

(21) C. trav., art. L. 1226-2-1 et C. trav., art. L. 1226-12.

(17) Fantoni S. et Verkindt P.-Y., « Les chausse-trappes du nouvel encadrement de
la décision d'inaptitude », art. préc., p 8.

(22) C. trav., art. L. 1226-2-1 et C. trav., art. L. 1226-12.

(18) Fantoni  S., «  Le maintien en emploi au cœur des missions des services de
santé au travail », RDT 2016, p. 472.

(20) L'employeur doit également recueillir l'avis des délégués du personnel.

(23) Cass. soc., 24 oct. 1995, n° 94-40188 : Bull. civ. V, n° 283 ; Cass. soc., 19 mai
1998, n° 96-41265 : Bull. civ. V, n° 264 ; Cass. soc., 16 juin 1998 : JCP G 1998, n° 37,
1560.

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