Guide_Strategies_Market_2017 - 11

marché / Interview

« Le droit sur la data va devenir
prépondérant »
En pleine discussion avec la Cnil sur la réglementation e-privacy, Éric Huignard, président du Syndicat national
de la communication directe, revient pour Stratégies sur l'impact de ces changements législatifs.
propos recueiLLis par emmanueL gavard

cette loi est un changement total de
paradigme, non ?
E.H. Exactement. Les données vont
devenir un risque significatif pour
les entreprises. La complexité du
droit sur la data le rendra de plus en
plus important. Il deviendra prépondérant, au même titre que le droit
fiscal ou social. Les entreprises devront l'intégrer dans toutes les décisions et les plans d'action. Quand
elles sortaient un jeu-concours, il
fallait intégrer le droit à la consommation. Désormais, il y aura le droit
à la data. Et cela concernera tout le
monde : sous-traitants, agences...

2017

c'est que certaines entreprises n'ont
ni les outils, ni les moyens. 2018
va arriver très vite. Celles qui n'en
ont pas conscience vont prendre
des risques. Mais attention, certaines positions à risque sont aussi la conséquence des pressions tarifaires des annonceurs. Il y a une
vraie réflexion à avoir sur la répartition de la valeur sur la chaîne. À
nous de travailler avec la Cnil.

Un nouveau règlement sur la data s'appliquera en 2018. Où en sont les entreprises ?
Éric HUignard. Le nouveau règlement entrera en vigueur à l'été 2018
et l'e-privacy sera mise en place au
même moment. Beaucoup de choses
ne sont pas suffisamment éclaircies pour que les entreprises soient
prêtes. Certaines ne sont même pas
au courant : les PME, les ETI. Dans
les grands groupes, il va falloir modifier bon nombre de processus et
de systèmes d'information. Ça va
être un gros chantier. La loi pour
la république numérique avait déjà
changé des choses, mais là, ce sera
encore plus sensible. Au niveau des
sanctions, notamment. Le montant
avait déjà été multiplié par 10 depuis
la loi de 1978. Mais il passera à 4 %
du chiffre d'affaires, ou 20 millions
d'euros - le plus grand des deux.
Certes, on peut penser que la Cnil
tiendra compte du contexte dans
lequel l'entreprise évolue, s'il s'agit
d'une «erreur», ou d'une fraude manifeste, mais tout de même !

@ManuGavard

avec quelles conséquences ?
E.H. Davantage de lourdeur. Il faudra à chaque fois s'attaquer à la
conformité, avec des études d'impact. Prendre une décision demandera plus de temps. À terme, ça va
pénaliser la réactivité. La question
pour le moment, c'est le temps qu'il
faudra pour que toutes ces modifications législatives soient intégrées
par les entreprises.
Elles ne sont pas prêtes ?
E.H. Ça dépend. C'est un vrai mouvement de fond : le consommateur
reprend le contrôle de ses données. C'est déjà le cas pour les entreprises qui ont une certaine éthique,
moins pour d'autres. C'est toujours
la même chose : 90 % des gens qui
font le boulot correctement payent
pour les 10 % restants. Si on met du
sens dans l'utilisation ou le traitement des données, on est déjà quasiment dans les textes. Le problème,

Un des points d'inquiétude majeurs
concerne les cookies...
E.H. Oui, le texte n'est pas définitif,
et l'on discute encore sur ces points.
Mais, en effet, les cookies pourraient
devenir un outil en « opt-in » sur les
navigateurs. Le business complet
pourrait être remis en cause et un
petit nombre d'acteurs deviendront
alors maîtres du jeu.
Mais la décision sur les cookies
n'est pas unique ! L'inscription sur
les annuaires, par exemple, pourrait subir le même sort. Du jour au
lendemain, vous n'avez plus d'annuaire téléphonique. Vous imaginez pour les professionnels ? Déjà,
certains opérateurs téléphoniques
ne jouent pas vraiment le jeu et recommandent de manière assez formelle à leurs utilisateurs que leurs
données ne soient pas publiables.
Ça pourrait être un vrai problème.
Aujourd'hui, beaucoup de données
sont validées via les annuaires.
C'est donc tout le business de « l'enrichissement » de données qui
pourrait être remis en cause.
Vous voyez ? Le diable est dans les
détails. La Cnil est consciente du
problème de la concentration dans
le digital. Mais que va-t-il en ressortir ? ◊

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