produits de la mer - n°191 - Avril 2019 - 40

Dossier ❘ PAYS-BAS

L'interdiction
de la pêche électrique passe

mal

Dominique Guillot

norme victoire » ou « aberration » ?
Les avis divergent suite à l'interdiction de la pêche électrique
le 13 février. Si l'association de
défense des océans Bloom se réjouit de
la décision prononcée par Bruxelles, les
pêcheurs néerlandais, eux, sont sous le
choc. La Commission européenne laisse un
délai de deux ans, jusqu'au 1er juillet 2021,
aux professionnels utilisant cette technique
pour se retourner. Et si certains gardent
encore l'espoir de passer entre les mailles du
filet, l'Union européenne maintient qu'après
cette date, plus aucune dérogation ne sera
autorisée à cause des excès du passé.
« Il y a quelques années, les pêcheurs
se plaignaient que certains navires aient le
droit d'utiliser la pêche à impulsion et pas
eux, témoigne un mareyeur à Ijmuiden. Le
gouvernement a cédé et multiplié les dérogations mais aujourd'hui, les pêcheurs
se retrouvent seuls face à l'Europe. » La
filière se sent abandonnée alors qu'elle
s'attelle à trouver des alternatives au système actuel. « Nous avons travaillé sur de
nouvelles méthodes de pêche plus écologiques, plus sélectives. Les résultats
étaient très satisfaisants, des pêcheurs
français sont même venus nous demander conseil, explique Teun Visser, directeur
de la criée d'Urk, qui appartient à une coopérative de 90 pêcheurs. Être jaloux de ses

Les Néerlandais
utilisent la pêche
électrique depuis
de nombreuses
années.

voisins n'est pas la meilleure façon de faire
évoluer la pêche. » À Urk, 22 navires utilisent la pêche à impulsion, soit 16 % de
la flotte, contre 5 % autorisés par l'Union
européenne. Environ 400 000 euros sont
nécessaires pour équiper son navire d'un
chalut à perche électrique. Après un rapide
calcul, ce sont près de 9 millions d'euros
investis par les pêcheurs à Urk, depuis environ cinq ans. Et ces derniers doivent désormais remettre de l'argent sur la table pour
repasser aux chaluts classiques. « En 2014,
Bloom s'insurgeait contre le chalut de
fond, aujourd'hui, ils sont contre la pêche
à impulsion. Ils feraient mieux de propo-

22
Le nombre de navires
équipés de perches
à impulsions.

400 000

€
L'investissement moyen
nécessaire pour installer
un chalut électrique.

ser des solutions », s'exclame Françoise
Chartier de Noordzee International.
La pêche électrique n'arrive pas à
convaincre en dehors des Pays-Bas et la
communauté scientifique est partagée sur
son impact. Par précaution, l'UE a décidé
son interdiction. En 2018, le Ciem a publié
une étude concluant en faveur de la pêche
électrique. Mais le compte rendu a été critiqué par l'Ifremer à cause du peu d'informations récoltées. En attendant une nouvelle
étude, les Néerlandais devront, comme le
reste de l'Union européenne, pêcher la plie
ou la sole au chalut de fond classique, sans
les chatouiller. ■

Brexit : no stress !

n France, chaque entreprise étudie ses possibilités et les stratégies à adopter en cas de no deal avec le Royaume-Uni. Chez
nos voisins néerlandais, c'est une autre approche : « Nous attendons qu'une décision définitive soit prise et nous aviserons », lance
un mareyeur d'Urk. Les transformateurs ne laissent transparaître
aucune forme d'inquiétude. Si le Royaume-Uni n'est pas, pour beaucoup, leur marché principal à l'export, le pays représente tout de
même un marché non négligeable. Neerlandia Urk, par exemple,
exporte régulièrement outre-Manche. « Les documents et l'administration vont devoir évoluer mais je ne pense pas que nous serons
coupés de l'exportation, anticipe Albert Romkes, directeur honoraire de l'entreprise. Il y aura la queue à la frontière et cela prendra plus longtemps mais le marché existera encore après le Brexit. »

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PRODUITS DE LA MER N°191 AVRIL 2019

Juste de la paperasse donc. « Dans les années 1970, l'Italie avait
interdit l'import de poisson des Pays-Bas et, pourtant, nous avions
trouvé des solutions et nous avons survécu, poursuit-il confiant.
C'est un peu plus ennuyeux pour les pêcheurs par contre. »
Près de 50 % de la mer du Nord appartient aux Britanniques. Les
navires néerlandais pêchent depuis toujours dans ces eaux : un
Brexit sans accord les priverait largement de l'accès à la matière
première. « Les Britanniques ne ciblent pourtant pas les mêmes
espèces que nous et ceux qui pêchent de la plie débarquent aux
Pays-Bas, affirme Teun Visser, directeur de la criée d'Urk, où une
quinzaine de navires arborant un pavillon anglais déchargent leur
matière première. Ce n'est dans l'intérêt de personne de rester
chacun chez soi. »

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