Mélanges - Mélanges en l'honneur de Jean-Jacques Daigre - 1re - 324

272

INFORMATION PRIVILÉGIÉE ET FAISCEAU D'INDICES

que cette présomption n'est pas détruite par une preuve contraire, la personne
poursuivie ne peut pas être condamnée5. Il en résulte qu'il incombe à l'autorité
de poursuite de rapporter la preuve de l'infraction et de la culpabilité de la personne poursuivie. Si la preuve est insuffisante, s'il subsiste un doute, celui-ci bénéficie à la personne poursuivie qui doit être mise hors de cause.
3. Ces principes fondamentaux du droit répressif doivent aussi gouverner la
preuve par la méthode du faisceau d'indices du manquement d'initié (v. ancien
article 622-1 du règlement général de l'AMF et, désormais, règlement (UE)
n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014, sur les abus
de marché, dit MAR, dont les dispositions sont directement applicables dans les
États membres6), relevant de la matière pénale au sens de la Convention européenne des droits de l'homme. Si l'admission de cette méthode probatoire est à
l'abri de la critique (I), elle appelle un encadrement de sa mise en œuvre sauvegardant toujours in fine la présomption d'innocence (II).

I - admIssIon de La méthode du faIsceau d'IndIces
4. L'application de la méthode du faisceau d'indices a suscité de fortes critiques, en particulier du point de vue de la sécurité juridique et de la présomption
d'innocence7. Cette preuve conjecturale n'est cependant pas exclue par le principe de l'intime conviction du juge en matière répressive8, qui explique bien la
subjectivité des décisions pénales.
5. Aussi a-t-elle été admise d'abord par la cour d'appel de Paris9 puis par la
chambre commerciale de la Cour de cassation10 et le Conseil d'État11. Les juridictions de recours en matière de sanctions des infractions financières ont sans doute
voulu ainsi ne pas rendre impossible, en pratique, la preuve du manquement
5. V. notamment Cons. const., 18 mars 2015, nos 2014-453-454 QPC et 2015-462 QPC,
concernant le cumul de poursuites et de sanctions pénales et administratives en matière
d'opérations d'initiés : D. 2015, p. 894, note Le Fur A.-V. et Schmidt D. ; JCP G 2015, 369,
note Robert J.-H., spéc. cons. 20 : « en vertu de l'article 9 de la Déclaration de 1789, tout
homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ; qu'il en résulte qu'en
principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ».
6. Les anciennes dispositions du Livre VI du règlement général de l'AMF ont été
supprimées par un arrêté du 14 septembre 2016 à la suite de l'entrée en application du
règlement européen sur les abus de marché et de ses règlements délégués.
7. V. notamment Bompoint D., note préc.
8. Rappr. CPP, art. 427 énonçant que « le juge décide d'après son intime conviction » ;
adde Guéry Ch., « Peut-on motiver l'intime conviction ? », JCP G 2011, I, 28.
9. V. notamment CA Paris, 1er avr. 2003 : BJS 2003, p. 1054, note Daigre J.-J. ;
RTD com. 2003, p. 543, obs. Rontchevsky N., rejetant le recours contre COB, 24 sept. 2002
- CA Paris, 24 nov. 2009 : RD bancaire et fin. 2010, n° 116, obs. Bompoint D.
10. V. Cass. com., 1er juin 2010, n° 09-14684 : RTDF 2/2010, p. 137, obs. Garrigues B. ;
Rev. sociétés 2010, p. 587, note Dezeuze É. ; BJB 2010, p. 298, note Schmidt D. ;
RTD com. 2010, p. 578, obs. Rontchevsky N. - Cass. com., 28 mai 2013, n° 12-20060.
11. V. notamment CE, 24 avr. 2012 : RTDF 3/2012, p. 120, 1re esp., obs. Rontchevsky N.
Table des matières de la publication Mélanges - Mélanges en l'honneur de Jean-Jacques Daigre - 1re
