Grands Colloques - La paix, un possible objectif pour les juristes de droit des affaires ? - 89

JACQUES MESTRE

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achètent des terres en Europe de l'Est, les Vietnamiens s'implantent au
Laos. Au Pakistan, le gouvernement estime être en mesure de mettre plus
de 8 millions d'hectares à disposition des investisseurs. Au Paraguay, un
consortium indien a acquis dix mille hectares de terres pour y produire
des graines oléagineuses ; au Mali, une entreprise a été créée à l'initiative
du gouvernement libyen pour y produire du riz hybride chinois sur une
surface de 100 000 hectares.
Comment aborder cette question en droit ?
Le problème est délicat car le statut juridique des terres proposées
à la vente ou effectivement attribuées aux investisseurs varie selon les
pays et les régions.
Ces terres appartiennent souvent à l'État, mais celui-ci peut également
procéder à des expropriations au motif qu'il agit pour l'intérêt général, et
récupérer ainsi la propriété de terres privées ou villageoises. Les conditions auxquelles ces terres sont transférées sont elles-mêmes très variables,
allant du bail initial à courte ou longue durée à la vente. De nombreux
contrats font mention d'une obligation pour les investisseurs de fournir
de l'emploi, mais ils restent très généralement imprécis sur le plan de la
sanction d'un éventuel irrespect de cette obligation. De même, les accords
véritablement contraignants concernant les achats locaux, la transformation
des produits et le paiement des taxes demeurent rares. Par ailleurs, ces
contrats étant confidentiels, on ne sait jamais vraiment dans quelle mesure
ils sont respectés, et il est souvent difficile pour les agences gouvernementales, pour le Parlement, les populations locales, ou encore les organisations
de la société civile, de demander des comptes aux investisseurs. Enfin,
à supposer que les populations locales soient consultées, les rapports de
force entre les différents acteurs participant aux négociations (investisseur,
gouvernement, population et communautés locales) et les informations
dont ils disposent sont le plus souvent très déséquilibrés.
À partir de là, trois directions sont concevables :
La première est de laisser faire et donc, nécessairement, de favoriser
ce phénomène d'acquisition.
Trois arguments sont ici souvent utilisés par certaines organisations
internationales :
- le constat que la planète regorgerait de terres inutilisées ou sousexploitées (400 millions d'hectares en Afrique, dit-on...) ;
- l'idée que l'agrobusiness, c'est-à-dire une agriculture intensive de
monoculture à grande échelle et à vocation principalement exportatrice,
serait le moyen le plus efficace d'accroître la production des matières
premières agricoles dans les pays du Sud, et donc de favoriser leur
propre développement. Ceci par opposition aux agricultures familiales
et paysannes, perçues comme relativement inefficaces ;
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