Bibliothèque de droit privé - Tome 632 - La jouissance des choses - 287

L'ACQUISITION CONDITIONNÉE DE LA CHOSE
287
l'est également contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle356, ceux-ci
étant dans l'impossibilité d'agir eux-mêmes en justice. Elle l'est aussi entre époux,
ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité357,l'action en revendication
dans ce type de relation étant moralement inacceptable ou, à tout le moins,
difficilement acceptable358. Le souci de bonne administration de la justice justifie
aussi l'existence de certaines causes objectives de suspension du délai de prescription.
On retrouve ce mobile pour la suspension intervenue lorsqu'après la survenance d'un
litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation,359 ou
lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout
procès360. Il faut se garder de croire que, pendant le délai de suspension, les conditions
requises pour prescrire n'ont plus à être remplies. Au contraire, elles se devront
de continuer, sans quoi la prescription sera interrompue. La suspension de la prescription
n'est pas réfractaire à son interruption361. En conséquence, le phénomène suspensif
aboutit defacto à prolonger la durée de prescription362. Sous cet aspect, la suspension
se distingue radicalement de l'interruption. Contrairement à elle, la suspension ne
trouve pas sa cause dans une déficience des conditions requises pour la prescription.
Elle n'est qu'une décision d'opportunité qui vise à dilater le temps requis pour
acquérir363.
2. Le temps écoulé
Une fois écoulé le temps requis pour prescrire, les effets attendus (b) pourront
être déployés (a).
a) Le déploiement des effets
219. Dimension procédurale : nécessité d'invoquer la prescription ? Étymologiquement,
la notion de prescription transpire la procédure. Le terme est en effet
issu de la contraction des mots prae et scriptio signifiant respectivement écrire
avant364. Il renvoyait ainsi à la nécessité d'inscrire en préambule l'exception opposée
356. C. civ., art. 2235.
357. C. civ., art. 2236.
358. P. MALAURIE et L. AYNÈS, Droit des biens, LGDJ, coll. Droit civil, 7e
éd., 2017, no
561.
359. C. civ., art. 2238.
360. C. civ., art. 2239 ; sur lesdites mesures d'instruction, CPC, art. 145.
361. J.-B.-E. GINOT, De usurpationibus et usucapionibus (droit romain). De la suspension de la prescription
(droitfrançais), th. Paris, 1858, no 1 : « Il peut y avoir interruption d'une prescription actuellement
suspendue. »
362. F. TERRÉ et P. SIMLER, Droit civil. Les biens, Dalloz, coll. Précis, 10e
G. CORNU, Droit civil. Les biens, Montchrestien, 13e
éd., 2007, no
111 in fine.
363. F. ZENATI et S. FOURNIER, « Essai d'une théorie unitaire de la prescription », RTD civ. 1996,
p. 339 et s. : « Au contraire de l'interruption, la suspension est étrangère à la régularité de la possession
et, dès lors, n'affecte pas la validité de la possession acquise. Par là, la suspension se distingue radicalement
de l'interruption. Elle n'est qu'une décision de la loi d'allonger la durée de la possession requise en ayant
égard à des circonstances particulières affectant la situation de celui contre lequel le possesseur prescrit.
Sans doute est-ce bien le délai de possession qui est affecté par la suspension, mais celui-ci l'est par des
événements qui sont étrangers à la possession. Simplement, la loi et le juge décident qu'àl'égard de certaines
personnes, la possession de celui qui prétend prescrire doit être davantage caractérisée et exige une
plus grande durée. »
364. É. LITTRÉ, Dictionnaire de la langue française, t. 3, Librairie Hachette et Cie, 1874, p. 1294,
vo Prescription ; Dictionnaire de l'Académiefrançaise,9e
éd., vo
Prescription.
éd., 2018, no
459 ;
Bibliothèque de droit privé - Tome 632 - La jouissance des choses

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 632 - La jouissance des choses
