Manuel - Droit constitutionnel - 44e - 526

DROIT CONSTITUTIONNEL
manièresatisfaisante quesi une majorité stable et cohérentesedégage en
son sein. Il paraît donc souhaitable que les modalités de l'élection incitent
les partis idéologiquement proches à se regrouper et, à cet égard, un seuil
de représentation peut s'avérer utile.
Le Conseil constitutionnel s'est montré particulièrement sensible à cette
argumentation et, en ce qui concerne les assemblées délibérantes françaises,
il n'a pas hésité à valider les seuils de représentation tendant à l'élimination
des partis ayant obtenu moins de 5% des suffrages exprimés.
Toutefois, en 2019, le Conseil d'État, a été saisi d'une QPC portant sur le
seuil de 5% des suffrages exprimés exigé pour être admis à la répartition des
sièges au Parlement européen. Jugeant que, « eu égard à la nature des élections
en cause », la question était sérieuse, il l'a transmise au Conseil
constitutionnel.
En matière d'élection des membres du Parlement européen, la jurisprudence
traditionnelle du Conseil constitutionnel, favorable à des seuils de
représentation au niveau de 5% des suffrages exprimés, paraissait en effet
pouvoir être remise en question : les électeurs français ne désignent qu'une
petite fraction des députés européens (à peine un dixième) et l'imposition
d'un seuil pour leur élection ne suffirait donc certainement pas à constituer
une majorité cohérente et stable au sein du Parlement européen. Mais le
Conseil constitutionnel a jugé que, même si la réalisation d'un tel objectif
(une majorité cohérente et stable) ne pouvait dépendre d'un seul État membre,
le législateur français était fondé à prendre des mesures tendant à la
favoriser. Il a donc jugé que les dispositions fixant le seuil de représentation
n'étaient pas contraires à la Constitution (décision nº 2019-811 QPC).
Cependant, en 1990, le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition
prévoyant que, pour la répartition des crédits entre les partis politiques
(voir infra nº 535) seuls seraient pris en considération les résultats égaux ou
supérieurs à 5% des suffrages exprimés. Il estimait que ce seuil avait été fixé
trop haut et qu'il risquait « d'entraver l'expression de nouveaux courants
d'idées et d'opinion »47
.
Cette décision est susceptible de deux interprétations différentes. Selon la
première, elle serait en contradiction avec la jurisprudence évoquée ci-dessus
par laquelle le Conseil a refusé de censurer les seuils de représentation empêchant
les partis qui ont obtenu moins de 5% des suffrages exprimés d'obtenir
des sièges. En effet, d'un côté, le Conseil constitutionnel garantirait le financement
public des petits partis et, de l'autre côté, il admettrait que l'on puisse
les priver de toute représentation.
Mais, selon une autre interprétation, plus charitable, il n'y aurait aucune
incohérence, car il s'agirait de deux questions différentes, relatives à deux
moments différents. Dans un cas, on considérerait en effet les résultats obtenus
et l'on ne voudrait pasque lespartisayant obtenu moinsde 5% des suffrages
bénéficient de sièges ; dans l'autre, on envisagerait les chances qu'aurait
un parti de progresser. En lui refusant les crédits, faute d'avoir obtenu
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47. Déc. nº 89-271 DC du 11janvier 1990.
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