La revue RH&M - N°90 - Juillet 2023 - 66

LE COUP DE GUEULE D´HERVÉ SÉRIEYX
Violence, Défiance et
Génération Z
L
était la guerre »1
a santé est un état précaire qui ne laisse présager
rien de bon » affirmait le bon docteur
Knock. Aujourd'hui, on pourrait en dire autant
de la paix sociale tant elle semble, de plus en
plus, n'être qu'une succession de petites parenthèses
hyper fragiles entre le retour cyclique
des violences. Le criminologue Alain Bauer
titre son dernier ouvrage « Au commencement
. René Girard n'exprimait pas autre chose en
décrivant le désir mimétique, cette rivalité permanente qui ne
cesse de pousser chacun à vouloir posséder ce dont les autres
disposent, qu'on ne possède pas et qui entretient une asymptote
de la violence dans un « chacun pour soi » vindicatif et jaloux :
plus on a et plus on voudrait avoir ce que les autres ont déjà,
en trouvant personnellement dans ce conflit récurrent toujours
moins de sens et toujours moins de paix intérieure.
Et cette société de violence se fortifie elle-même d'autant plus que
nos relations interpersonnelles sont de plus en plus marquées
par une défiance croissante. On connait bien désormais combien
les réseaux sociaux nous enferment dans des bulles d'entre
soi, combien nous sommes quotidiennement exposés aux fake
news, aux cyber attaques, aux arnaques numériques, aux vérités
douteuses de ChatGPT, aux affirmations hasardeuses de pseudo
experts dans les médias... Et la confiance entre nous est de plus
en plus aux abonnés absents ; en particulier la confiance dans les
Institutions et dans ceux qui sont censés nous diriger, au point
de remettre en cause la légitimité de tout pouvoir dès qu'il nous
semble vertical.
Dans ce climat de violence et de défiance accrues, manager les salariés
de la Génération Z (ceux qui sont nés dans les années 1990)
va relever du sport de haut niveau. C'est, du moins, ce que laisse
entendre une étude très récente de la CFDT, intitulée « Salaire,
valeurs, autonomie : les exigences de la Génération Z »2
. Il nous
y est dit que les 18-30 ans n'entretiennent plus le même rapport
au travail que leurs aînés. Il s'agit souvent d'exigences contradictoires
mais impérieuses. D'abord le travail n'apparait plus comme
un élément central de leur vie : la réduction abrutissante de la vie
professionnelle de leurs parents au « métro-boulot-dodo », très
peu pour eux ! Mais pour la part de temps consacrée à leur activité
de travail, ils attendent qu'elle ait du sens et de l'utilité, qu'ils
puissent y trouver de l'autonomie, du respect, de la maîtrise de
leur parcours, de la souplesse d'organisation personnelle, que les
décisions n'y soient pas prise de façon jupitérienne mais partagée
et collective ou, à tout le moins, qu'elles soient précisément expliP.66
| JUILLET 2023 | N°90 LA REVUE RH&M
1. Fayard 2023
2. in revue mensuelle CFDT magazine n° 492, avril 2023.
3. in Le Figaro du 3 avril 2023, pages économiques, rubrique « Libres échanges » de J.P.
Robin « La chute de la productivité française est catastrophique »
Hervé SÉRIEYX
Co-auteur de " Alarme, citoyens ! Sinon, aux larmes !
(Manifeste pour une France vénitienne) "
quées, qu'on leur épargne « les petits chefs » et que l'organisme
qui les emploie ait une vraie conception RSE de son activité. Si
l'organisation du travail ne répond pas à ces exigences, on assiste
à un désengagement des jeunes Z, le fameux « Quite quitting »,
ou démission silencieuse, sous deux variétés différentes, la violence
passive ou la défiance discrète.
Faute d'avoir pris sérieusement conscience de la nécessité de
répondre à ces évolutions de la conception du travail, beaucoup
d'entreprises auront sans doute participé au considérable effondrement
de la productivité française, finement analysé par
Jean-Pierre Robin à partir des données de l'Institut de conjoncture
Rexécode3
: « en 2022, la productivité apparente du travail
est inférieure de 7% à ce qu'elle aurait été si elle avait progressé
à son rythme tendanciel passé (0.7 par an) depuis 2019 ». Les
explications de cette rupture historique sont évidemment plurielles
mais la multiplication des attitudes de désengagement
chez un nombre significatif de salariés de la Génération Z y aura
certainement joué son rôle : quand on ne trouve pas, dans sa vie
professionnelle, l'environnement managérial et organisationnel
qu'on attendait, on se démobilise. On reste dans l'entreprise mais
« on lève les rames ».
Dans cette crise bizarre, à la fois sociale et politique, que nous
vivons actuellement où s'exaspèrent défiance et violence entre les
acteurs, conscience se prend des spécificités de cette génération
vis-à-vis de son engagement au travail et en particulier de la nécessité
que chacun s'approprie toujours mieux le sens et l'utilité
de son activité : ce que souligne le livre des économistes Thomas
Coutrot et Coralie Perez : « Redonner du sens au travail ; une
aspiration révolutionnaire ».
Sens, Utilité, Confiance : de quoi redonner du SUC à la vie professionnelle
!
C
M
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MJ
CJ
CMJ
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La revue RH&M - N°90 - Juillet 2023

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