Droit et Société - Volume 37 - Vivre en copropriété - 28

La copropriété comme objet d'enquête en sciences sociales
L'enquête sociologique comparée menée par Blandy, Dixon et Dupuis dans
de grands lotissements privés en Angleterre et en Nouvelle-Zélande souligne
que ces copropriétés élargies sont confrontées à des dysfonctionnements importants
et suscitent des insatisfactions nombreuses de la part des copropriétaires
ayant le sentiment de ne plus avoir prise sur un fonctionnement de plus en plus
bureaucratique de ces ensembles urbains. En Grande-Bretagne, la production de
logements s'est faite longtemps essentiellement sous forme d'habitations pavillonnaires
en pleine propriété. Le développement d'une production d'habitat
collectif dans les agglomérations ne s'est accéléré que dans le dernier quart du
XXe siècle et s'est traduit par le recours à la copropriété, sous des formes différentes
de celles connues en Europe continentale. En effet, dans le système britannique,
les copropriétés sont organisées suivant un système de concession et
non de pleine propriété, le droit national n'autorisant les règlements contraignants
pour des acquéreurs successifs que sous cette forme. Le promoteur qui
construit l'immeuble vend un droit de concession (leasehold) aux ménages qui
acquièrent leur logement, mais reste détenteur de la pleine propriété, même si
celle-ci est à durée déterminée (freehold, dans la pratique sur des durées très
longues, supérieures au siècle).
En acquérant leur logement, les ménages occupants adhèrent à une société
qui garantit très souvent au promoteur une majorité des parts (et donc des
votes), ce qui se traduit par le pouvoir de désigner le gestionnaire de biens (manager),
sans que les instances de copropriétaires n'aient la possibilité de revenir
sur ce choix. La recherche menée en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande
met en évidence les relations commerciales sous forme « d'oligopoles » entre
un petit nombre de grandes sociétés de promotion immobilière d'une part et de
gestionnaires de biens d'autre part, dont les liens sont antérieurs aux projets de
construction. Les promoteurs conservent ainsi une maîtrise des décisions de
gestion concernant l'immeuble, bien au-delà de l'étape de sa réalisation.
L'enquête menée auprès de résidents montre leur faible connaissance des implications
contractuelles consécutives aux engagements qu'ils prennent au moment
de l'achat de leur logement, résultat d'une information souvent incomplète
transmise par les agents immobiliers 3 4.
Dans une perspective attentive au changement social, Blandy et ses coauteurs
proposent ainsi de s'intéresser en particulier aux « moments juridiques
critiques » (critical legal events) que sont les situations au cours desquelles les
3. Sarah BLANDY, Jennifer DIXON et Ann DUPUIS, " Theorising Power Relationships in MultiOwned
Residential Developments: Unpacking the Bundle of Rights " , dans Urban Studies, 43,
no 13 (1er décembre 2006) : 236583, .
4. Cf. toutefois les deux modèles de copropriété (chap. 2, p. 33) et ce que dit Sarah Blandy dans
le rapport intermédiaire : « Cette division de l'immeuble entre freehold et leasehold est susceptible
d'évolutions [...].
La loi prévoit d'ailleurs que les titulaires de baux peuvent forcer le propriétaire (freeholder) à
leur vendre la propriété franche, collectivement, en se prévalant des droits prévus par la loi de
1993 sur la réforme locative, le logement et l'urbanisme. »
Recherches et travaux, vol. 37/2023
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https://www.doi.org/10.1080/00420980600970656

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