Grands Colloques - La crise des institutions - 70

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LE JUGE ET LA CRISE DES INSTITUTIONS

amiables sont à la mode depuis quelques années18. Ils sont privilégiés pour
résoudre certaines crises, comme les crises familiales19. Or, il est intéressant
de constater que les règles de procédure - du moins certaines de ces règles
- vont s'appliquer en dehors du procès et donc en dehors du juge20. C'est
ce que l'on appelle la procéduralisation du droit21. Les modes amiables
obéissent ainsi à des règles processuelles22 : il est possible, par exemple, de
citer l'article 2052 du Code civil qui confère « l'autorité de la chose jugée »
à la transaction23. De même, le principe de la contradiction va s'appliquer
loin du procès24. Comme l'explique M. le professeur Xavier Lagarde, « parce
que le règlement amiable a pour objet un litige, il ne peut entièrement
s'abstraire des règles normalement applicables à son objet »25. On va donc
faire, au moins partiellement, « comme si » le litige avait été soumis à un
juge : les règles qui sont applicables devant lui le sont aussi en son absence.
Le juge apparaît ainsi comme une réponse à la crise, qu'il soit saisi ou non
pour la résoudre.

B. L'étendue de la réponse
La réponse apportée à la crise ne sera pas toujours la même : il faut
s'intéresser de plus près aux pouvoirs du juge et distinguer en fonction de
l'éventuelle intervention du législateur. Une institution peut être en crise
après que ce dernier a agi. Prenons l'exemple de la famille. Il est certain que
la crise qu'elle traverse se traduit par un recours plus fréquent au juge26 :
l'évolution des lois et de la société emporte une multiplication des conflits
18. S. Amrani-Mekki, « La déjudiciarisation », Gaz. Pal. 5 juin 2008, n° 157, p. 2 et s.
19. M. Bruggeman, « Crise(s) de la famille : prévention et gestion par le droit », in
J. Larrieu (dir.), Crise(s) et Droit, préc., p. 123 et s.
20. Tout cela est très bien expliqué par C. Pigache, « Propos introductifs à la procéduralisation du droit », in Les évolutions du droit (contractualisation et procéduralisation),
textes réunis par C. Pigache, Publ. Univ. Rouen, 2004, p. 107 et s., spéc. p. 109 : « Dans
une première acception, la plus familière aux auxiliaires de justice que sont les avocats, les
règles de procédure sont liées à l'existence d'un procès. En ce sens, la procéduralisation du
droit consiste à retrouver des règles du droit du procès dans d'autres branches du droit, en
l'absence même d'un procès ».
21. Nous renvoyons particulièrement aux développements de L. Cadiet, J. Normand
et S. Amrani-Mekki, Théorie générale du procès, PUF, 2010, n° 18 ; v. égal. L. Ascensi, Du
principe de la contradiction, préc., n° 410 et s. ; Les évolutions du droit (contractualisation
et procéduralisation), textes réunis par C. Pigache, préc., p. 105 et s.
22. X. Lagarde, in S. Guinchard et alii, Droit processuel, préc., n° 582 et s. (spéc. n° 602,
sur les « effets processuels » des MARL).
23. En ce sens, C. Pigache, art. préc., p. 109.
24. L. Ascenci, op. cit. ; C. Pigache, art. préc., p. 111.
25. X. Lagarde, in S. Guinchard et alii, Droit processuel, préc., n° 594.
26. M. Bruggeman, art. préc., p. 123 et s.
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