Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 31 - Le juriste entre science et politique - 189

À LA RECHERCHE D'UNE RÉNOVATION MÉTHODOLOGIQUE

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longtemps encore le premier rang. Mais au point de vue historique dont l'importance
grandit de plus en plus il pourrait bien en être autrement. Ce qui est certain c'est que
ce n'est pas au droit romain qu'il faut demander ce qu'ont été les premiers pas de
l'humanité dans la carrière juridique. Le droit germanique est ici plus instructif »497. Il
plaide alors : « le droit romain était nécessaire pour servir de moule à nos législations
modernes ; mais l'heure est venue de le remplacer par le droit germanique, moins simpliste mais plus juste, plus difficile à connaître, parce qu'il est ondoyant et divers, mais
qui répond mieux aux exigences multiples de notre société complexe »498.
370. Comme pour l'histoire499, les défenseurs du droit romain font valoir que
son étude trouve sa raison d'être en ce qu'il permet de mieux comprendre le droit
positif, ou qu'il peut avoir une vertu exemplaire, par exemple sur les erreurs à
éviter en matière de législation criminelle500. Si les civilistes ont longtemps considéré le droit romain comme la clé de voûte de la formation du juriste501, il a néanmoins été contesté en cette fin de siècle. Ses défenseurs doivent répondre au
reproche principal que le droit romain, en soi ou tel qu'il est enseigné, est une
survivance inutile, un archaïsme dont il faut se libérer. Les partisans du droit
romain dans la Revue Générale entendent donc lutter contre cette affirmation.
Vigneaux, professeur bordelais, auteur d'une étude s'étalant sur plusieurs années
sur l'institution de la praefectura urbis à Rome justifie ainsi ab initio son étude, qui
n'est pas « purement archéologique, puisque l'exemple de Rome mérite d'être profondément médité »502.
371. Les propos de Jules Valéry ont une portée plus précise et plus ample. En
1893, il se réjouit d'une tendance des romanistes italiens, dont Serafini (18311897) serait l'initiateur503, consistant à utiliser les décisions des jurisconsultes
romains pour interpréter les textes de droit positif. Cette tendance, moins répandue en France relève-t-il, aurait pour mérite d'« élargir les vues des interprètes en
les empêchant de s'assujettir à une interprétation trop littérale »504. C'est donc ici
faire du droit romain un outil de rénovation des méthodes d'interprétation, qui
permet à l'interprète de prendre le contre-pied de l'exégèse. L'on trouve d'ailleurs
dans la Revue Générale quelques années plus tard, une étude de droit romain de
497. Compte rendu intitulé « La genèse du contrat » (ouvrage The history of english law before
the time of Edward I de F. Pollock et F.-W. Maitland), Revue Générale, 1897, op. cit., p. 518.
498. Ibid., p. 529.
499. À l'inverse du discours portant sur l'histoire, les références d'ordre « politique » sont bien
moins nombreuses lorsqu'il s'agit du droit romain. On retiendra par exemple le propos suivant de
Jules Cauvière, ancien magistrat dont il faut préciser qu'il est professeur à l'Institut catholique de
Paris : « l'action pénétrante et efficace du christianisme sur le droit romain a été niée de nos jours par
des jurisconsultes dominés par l'esprit de système ou le parti pris philosophique. Mais elle est de plus
en plus généralement reconnue par les historiens impartiaux. Les preuves ne manquent d'ailleurs pas
à l'appui de ses vues ». Cf. « Le lien conjugal et le divorce », Revue Générale, 1895, tome 19, p. 193.
500. Cf. A. Duméril, « Aperçus sur les révolutions du droit criminel à Rome sous la république
d'après les travaux les plus récents publiés en France », Revue Générale, 1883, tome 7, p. 422.
501. Eugène Petit (1850-1931), professeur à Poitiers où il enseigne le droit romain à compter de
1880 et auteur d'un Traité élémentaire de droit élémentaire de droit romain (1892), écrira encore en
1911 dans la Revue Générale dont il fut directeur : « le droit romain est encore la meilleure école qu'il
y ait pour former des jurisconsultes ». Cf. Revue critique de Questions de droit romain étudiées d'après
la nouvelle méthode historique de droit comparé de S. Pinélès, Revue Générale, 1911, tome 35, p. 357.
502. « Essai sur l'histoire de la praefectura urbis à Rome », Revue Générale, 1885, tome 9, p. 445.
503. Sur l'utilisation de l'histoire du droit en Italie, on renvoie à J.-L. Halpérin, « L'histoire du
droit constituée en discipline... », op. cit., p. 20-22.
504. Compte rendu Per il xxxve anno d'insegnamento di Phillippo Serafini, Revue Générale, 1893,
tome 17, p. 469.

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