Cours - Introduction au droit - 8e - 340

INTRODUCTION AU DROIT
couramment, voire la parlant : Jean Foyer prononça en latin son discours de remerciement à l'Université
d'Oxford lors de sa réception comme docteur honoris causa et Jean Carbonnier, dans les Mélanges
offerts au premier (Jean Foyer, auteur et législateur - Leges tulit, jura docuit. Écrits en hommage Jean
Foyer, PUF, 1997), rédigea, dans cette langue, un article, « De Republica cujusprincipiagenuerint»(De la
République dont les lois ont engendré des principes).
Les deux avaient autant de différences. Jean Foyer était un catholique de l'Anjou, amoureux de la tradition
liturgique grégorienne de Solesmes. Il eut, comme ministre, à représenter le gouvernement français
lors des cérémonies d'ouverture du concile du Vatican en 1962. Jean Carbonnier fut un « huguenot », non
suspect d'inclinaison pour la papauté. Au fond, tous les deux confessaient strictement leur foi, assurés
que, divergentes sur cette terre, elles doivent se joindre dans l'autre monde estimant que, si les Chrétiens
sont divisés, l'Église - « la tunique sans couture » - ne l'est pas : « universelle » pour les protestants,
« catholique » pour les catholiques, selon que l'on prend la racine latine ou grecque.
L'un fut ministre de la Justice et lança les grands projets de réforme du droit privé et, plus encore, de la
procédure civile. L'autre fut, dans plusieurs de ces réformes, le rédacteur des projets. Le premier inspira
une volonté au président Charles de Gaulle et au Premier ministre Georges Pompidou ; le second rédigea
des textes novateurs et hardis. Le premier, conservateur, préserva l'unité encore possible du Code civil ;
le second, réformateur, rénova cette unité par des restaurations aussi réussies qu'impérieuses (D. TERRÉ,
« Jean Carbonnier, conservateur ou moderniste ? », in Jean Carbonnier, l'homme et l'œuvre, p. 425 s.). En
somme, l'André Malraux du Code civil, ce fut le garde des Sceaux, Jean Foyer, mais le Chagall fut le
doyenJeanCarbonnier.
Ils représentèrent l'unité fondamentale du pays : celle de Richelieu et de Sully. Sans doute qu'en définitive,
l'un héritier des Chouans et l'autre des Camisards, eurent-ils conjointement des caractères trempés.
Ils savaient servir sans être serviles, fidèles sans être soumis, loyaux sans être apathiques.
Le ministre législateur. - Jean Foyer est né le 27 avril 1921, à Contigné (Maine-et-Loire) étant fils de
notaire. Étudiant à la faculté de droit, il fut de ceux nombreux qui participèrent à la Libération de Paris,
à la fin août 1944. Rapidement, il est intégré au cabinet du ministre de l'Éducation nationale René Capitant,
ce qui retarda la soutenance de sa thèse sur De l'autoritéde la chosejugéeenmatièrecivile. Essai
d'une définition, en 1954.
Agrégé sans désemparer, l'année suivante (dans une promotion qui comporta, entre autres : François
Terré, Pierre Catala, Jean-Claude Soyer), il fut successivement professeur à la faculté de droit de Lille
(1955-1968), puis à Nanterre (1968-1972) enfin à l'Université de Paris II (1973-1989). Tout au long de sa
carrière politique, il continua celle d'enseignant.
En 1958, prochedeMichel Debré (D. TILLINAC,« Le légiste », in Dictionnaire amoureux duGénéral, Plon, 2020,
p. 209 s.), il est au nombre de ceux qui rallient le nouveau pouvoir en devenant conseiller au cabinet de
Félix Houphouët-Boigny, ministre d'État, chargé de mettre fin à la période coloniale, en essayant de
constituer un « commonwealth à la française » qui aurait dû être « la communauté française » (titre XII
de la nouvelle Constitution). Houphouët-Boigny devint premier président de la République de la Côte
d'Ivoire.
Ce qui expliqua la première fonction ministérielle de Jean Foyer comme secrétaire d'État chargé des relations
avec la Communauté dans le premier gouvernement de Michel Debré, puis ministre de la Coopération.
Foyer demeura toujours très lié aux pays d'Afrique francophone (il avait, pour plusieurs d'entre eux,
étélereprésentant dela France lors dela proclamation deleur indépendance).
Dans le même temps, il va prendre la plume lors de la rédaction de la Constitution, rapidement écrite
durant l'été 1958, car il fut commissaire du gouvernement auprès du comité consultatif constitutionnel.
On lui doit, en particulier, d'avoir veillé à l'écriture du très important article 34 (qui détermine le champ
précis de la loi par une « compétence déterminée » et non plus « générale »).
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