La revue RH&M - N°91 - Octobre 2023 - 49

de crises du fait des insuffisances
structurelles d'une approche agile.
Articuler projet de changement
et identité
La thèse de Philippe ROPERS (2021)
analyse des situations d'accompagnement
du changement organisationnel
pour des structures associatives
confrontées à des nécessités de
transformation en lien avec l'évolution
de la réglementation les concernant
et étudie les modalités d'action
pour permettre à un collectif de
construire du sens et co-construire
une action collective. L'engagement
de la direction dans ces situations
permet une reconnexion au projet
associatif et à ses fondamentaux,
les réaménagements identitaires et
l'appropriation de contenus initialement
vécus comme des contraintes
imposées pour restaurer une autonomie
de conception et d'action, pour
accompagner les transformations
organisationnelles dans une logique
interprétativiste.
Le changement par mutations
silencieuses
La pensée chinoise, permet d'envisager
le changement sous un angle
différent, non pas comme intentionnel
(i.e. résultat de l'action) mais en
tant que processus inassigné (i.e.
non imputable à un agent) pouvant
conduire à un changement de
paradigme. Les « transformations
silencieuses » s'infiltrent progressivement,
influençant indirectement l'action
et le devenir (DUPORT, 2023).
Dans la pensée chinoise le changement
s'effectue « sans fissure qui le
trahisse », il n'est pas délimitable,
il est sans prise ontologique. On
constate deux visions différentes
du changement, d'une part, le paradigme
de l'action qui postule la
discontinuité d'états successifs, qui
insiste sur les ruptures et d'autre
part, le paradigme de la transformation
qui postule la continuité d'un
processus, l'agir processuel. Dans la
première vision, aucune place n'est
faite au temps mort, contrairement
à la seconde vision qui l'inclut dans
le processus de l'action et du changement.
La stratégie des temps morts
est pourtant une forme de l'action,
c'est la décision de ne pas agir. Les
principes et arts de la guerre chinoise
envisagent le non-agir comme une
stratégie à part entière et, qui plus
est, comme la meilleure, la bataille
n'étant qu'un épiphénomène, que la
partie visible.
Les perspectives en matière
de conduite du changement
Dans le cadre du cahier spécial sur
« La changement en Question(s) »
(N°46, septembre 2023), 96 contributeurs
de 16 pays, enseignants-chercheurs,
dirigeants d'entreprise, DRH,
responsables opérationnels, experts
et consultants, ont répondu à la
question : « Quelles sont les limites
des démarches actuelles en matière
de gestion du changement et quelles
seraient les nouvelles pratiques ? »
(FRIMOUSSE & PERETTI, 2023).
Les contributeurs soulignent la
fatigue et l'usure des modes managériales
et du sur-mesure en matière
de gestion du changement, et la
nécessité de repenser la gestion du
changement en privilégiant la proactivité,
l'implication active de parties
prenantes crédibles et audibles dès le
début du processus, la collaboration,
la co-création, la transparence, le
soutien au bien-être des employés, la
quête de sens, l'inclusion professionnelle,
l'intelligence pratique des salariés,
la richesse de leurs interactions
et une vision inspirante du changement
qui donne envie de changer et
un leadership spirituel.
Le changement à l'échelle
Les réflexions sur le changement
à l'échelle s'inscrivent dans les
démarches actuelles des chaires
Essec Changement et Innovation
Managériale avec le programme NéoChange.
Compte tenu des besoins
actuels des organisations, il s'agit de
créer une dynamique organisationnelle
forte constitutive d'une capacité
à changer individuelle et collective. Il
n'y a pas l'activité et le changement
mais le changement dans le mouvement
de l'activité. Le changement à
l'échelle vise à créer les conditions de
la dynamique organisationnelle par
l'engagement des parties prenantes
pour une cause et un projet qui justifie
le collectif et l'investissement dans
le collectif. Le changement à l'échelle
c'est intervenir au niveau de l'entreprise,
de la ligne managériale et du
terrain en même temps et avec des
effets d'entraînement (AUTISSIER,
2023). Pour David AUTISSIER, cela
consiste à mettre les organisations
en mouvement par le dialogue entre
les parties prenantes au moyen des
attentes réciproques et la constitution
d'un sens partagé par le récit.
Cela permet de toucher toutes les
composantes d'une organisation
en dynamique et non pas en départ
arrêté. Cette dynamique organisationnelle
est soutenue et permise
par un portage managérial et une
culture du changement par l'expérientiel
nommé « Test & Change »,
au cœur des démarches d'excellence
opérationnelle.
Références :
* Autissier D., Peretti J.-M., (2016), Les miscellanées du
changement, les grandes évolutions de la gestion du
changement sur 5 ans, EMS Editions,
* Autissier, D., Moutot, J. (2022). Le changement agile: Se
transformer rapidement et durablement. Dunod.
* Autissier D. (2023), « Changer le Changement : Vers
un changement à l'échelle », » in « Question(s) de
management », 2023/4, n° 46, 105-110.
* Bruna M.-G. (2023), « Les effervescences du changement :
quelques thèses récentes sur la conduite du changement »,
in « Question(s) de management », 2023/4, n° 46, 203-212
* Duport M. (2023), « Les vents du changement», in
« Question(s) de management », 2023/4, n° 46, 203-212
* Frimousse S. & Peretti J.-M. (2023), « La conduite du
changement : nouvelles démarches et approches » in
« Question(s) de management », 2023/4, n° 46, 145-148.
* Ropers P. (2021), « Conduire le changement dans les
organisations du travail social : articuler projet et identité
pour gérer les transformations », thèse de Doctorat en
Sciences de Gestion soutenue le 03-12-2021, à l'Université
Paris-Est.
* Sinapin M.-N. (2022), « Le management agile : une idée en
fin de vie. Son discours et sa réception », Thèse de Doctorat
en Sciences de Gestion soutenue le 02-12-2022 à l'Université
Paris-Saclay.
LA REVUE RH&M N°91 | OCTOBRE 2023 | P.49
La revue RH&M - N°91 - Octobre 2023

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