La revue RH&M - N°91 - Octobre 2023 - 5

FORCES & IDÉES
Charlotte MONTPEZAT
Coach de dirigeants, psychanalyste et auteure de « Les flamboyantes »
(Éditions des Équateurs, 2023)
Un vivier inexploité dans
nos entreprises
P
Pourquoi Béatrice, brillante directrice marketing,
doit-elle mentir sur son âge pour trouver
un travail ? Pourquoi Marianne s'est-elle
vue préférer Lila, de 20 ans sa cadette, pour
cette promotion qui devait logiquement lui
revenir ? Pourquoi cette DRH fond-elle en
larmes en évoquant le sort des femmes de
plus de 50 ans en entreprise ?
En France, l'entreprise est fâchée avec les seniors. Avec tous les
seniors, mais surtout lorsqu'ils sont des femmes. Le sexisme
et l'âgisme sont les deux facteurs les plus discriminants selon
le ministère du travail et l'Organisation Internationale du Travail,
devant l'origine et le handicap. Imaginez donc les effets
de leur combinaison, quand le couperet de la mise à l'écart liée
à l'âge tombe sur des parcours professionnels déjà fragilisés
par des décennies de sexisme. Les femmes, dont la carrière
s'apparente à un parcours d'obstacles, se voient en plus, dès
45 ans, taxées d'anti modernes, tant sur leur apparence que
sur leur aptitude à appréhender les nouvelles technologies.
A ce titre, leur progression de carrière est entravée, voire on
les dirige vers la sortie. Le montant des retraites résume la
situation d'un chiffre terrifiant : les pensions des femmes sont
inférieures de 40% à celles des hommes. C'est le Genre-âge,
et oui, il y a de quoi enrager quand la discrimination du genre
s'ajoute à celle de l'âge.
Cette double discrimination du genre-âge est non seulement
injuste, mais absurde. Une récente étude de Stanford, les présente
même comme les plus aptes aux postes de direction. Elle
montre que là où la nomination d'un homme de plus de 50 ans
est la plupart du temps perçue comme la garantie d'un comportement
autoritaire, la nomination d'une femme du même
âge passe, elle, pour une promesse de conseil, de ressources et
de renforcement d'esprit d'équipe.
Pour combattre la discrimination des femmes de plus de 50 ans
dans l'emploi, le rôle des DRH est majeur. Une action en quatre
temps, audit, sensibilisation, formation, baromètre, permet
d'améliorer sensiblement les situations. En étudiant la pyramide
des âges, les dynamiques femmes-hommes, les parcours
de carrière féminins, en faisant le compte des formations et des
promotions qui leur sont proposées, des évolutions de salaires,
un audit permet d'avoir une vision claire des équilibres de la
parité ainsi qu'une cartographie précise des parcours féminins.
La sensibilisation est d'autant plus essentielle sur ce sujet
qu'il est largement intériorisé. Regarder le problème en face, en
comprendre les ressorts, prendre conscience des stéréotypes
qui alourdissent le jugement, des changements qui font que les
femmes de 50 ans aujourd'hui ne sont plus celles d'hier, permet
de changer la posture de chacun sur le sujet.
Enfin, des actions de formation ciblées. Dans un monde qui
change, la formation est la clef de voûte de toute carrière, or
toutes les études montrent que trop souvent les femmes n'osent
pas en demander ou ne s'en voient pas proposer. Ne pas laisser
ses collaboratrices s'enfermer dans des savoirs qui se périment
est de l'ordre d'une responsabilité sociale, voire sociétale de
l'entreprise. Un baromètre enfin permet de suivre l'efficacité
de ces actions conjointes. Les femmes de plus de 50 ans sont
aujourd'hui plus fortes, dynamiques, créatives que jamais. Ne
laissons pas ce vivier inexploité dans nos entreprises !
LA REVUE RH&M N°91 | OCTOBRE 2023 | P.5
La revue RH&M - N°91 - Octobre 2023

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