SIGMAG - N°39 - Décembre 2023 - 20

DOSSIER
DES OUTILS DE SUIVI
POUR LA GESTION DE CRISE
« Cela a duré 5 minutes avec des
vents à 220 km/h, confie Marc
Riedo, responsable du système
d ' i n f ormat i on du t er r i t o i r e
neuchâtelois (Suisse). Un évènement
aussi rare que violent à cet te
altitude. » Ce 24 juillet 2023, la
Chaux-de-Fonds a été frappée par
une tempête brutale et brève en
plein été. Cette petite ville suisse
du canton de Neuchâtel au nordouest
de Berne est située dans le
massif du Jura et culmine à 1.000 m
d'altitude. Entre 20.000 et 25.000
arbres ont ainsi été décimés sur
une surface totale impactée de 30
km2
, dont 1.500 hectares de forêts.
« En quelques minutes, des forêts
entières se sont retrouvées comme
des jeux de mikado. Sans compter les
toits arrachés. » Cette tempête a été
l'occasion de montrer l'efficacité des
outils de suivi utilisés et développés
depuis des années par le SITN. « Nous avons été chargés de gérer la crise,
explique Marc Riedo. Un premier vol le 27 juillet a permis d'acquérir des
données avec une précision de 2 cm ; une précision davantage nécessaire
pour l'analyse des tuiles sur les toits pour les assureurs que pour les arbres. »
En Suisse, SwissTopo couvre l'ensemble du territoire par des campagnes
d'orthophotos réalisées par avion tous les 3 ans, en hiver. Le hasard a voulu
que la zone de la tempête ait été couverte cette année en mai : un relevé
intéressant puisqu'à cette saison, les arbres présentaient leurs feuilles. Ces
photos aériennes avant tempête avec une résolution de 10 cm, couplées
avec un relevé LiDAR du SITN datant de 2022, ont permis de construire une
cartographie proche de l'état initial, qui a pu être comparé à l'état « après
tempête ». Ce dernier a pu être réalisé à partir d'un nouveau relevé LiDAR
effectué au mois d'août sur les zones forestières impactées. Matthew Parkan,
docteur en géomatique formé à l'EPFL a travaillé à l'analyse de ces données.
Il a comparé deux nuages de points LiDAR à très haute densité (plus de
100 points/m2
de l'IGN. D'autant plus que les
© STIN
outils d'Intelligence Artificielle facilitent
leur traitement en continu. De plus, les
campagnes couvrent des périmètres
relativement petits, même si de gros
projets se développent à des échelles
nationales. Le plus emblématique est
« LiDAR HD». Ce projet piloté par l'IGN
depuis 2020 vise à réaliser la couverture
de la Fr ance (sauf Guyane) pa r
aéroporté. Il représente 5 ans de travail,
7.000 heures de vol et un budget estimé
de 60 millions d'euros. Avec 10 points
par mètre carré en moyenne,
les
© STIN
Photos avant / après
la tempête éclair du
24 juillet 2023.
données cumulées devraient se chiffrer
à 3 pétaoctets (3 millions de milliards) !
Autant dire que, contrairement aux
campagnes ortho renouvelées chaque
année par tiers sur le territoire national,
il n'est pour l'instant pas question de
refaire une couverture intégrale en Lidar
HD après 2025. Par contre, suivre
précisément des zones à haut risque
aura un sens. « C'est une mine d'or en
termes de données, reconnaît Loïc
Gondol, chef de projet MOA LiDAR HD
à l'IGN. Cette acquisition constitue un
bon socle initial. Cela offre à l'ONF un
niveau de connaissance très fin qui
complète bien les données terrain,
issues des 70.000 placettes suivies et
échantillonnées. »
) avant de classer les points par IA avec l'aide de la société
FLAI pour détecter des troncs et arbres tombés. Il a ensuite employé la
photogrammétrie, avec orthophotographies 2 cm et True orthophoto pour
avoir une vue verticale des zones impactées et images obliques pentacam.
Tout cela à l'aide d'une batterie de logiciels pour obtenir une
grande précision. Les algorithmes de reconstitution
ont permis d'estimer à 50.000 m3
le volume de
bois fracassé. « Pour cet évènement, nous
devions être réactifs pour fournir au plus
vite des données pour sécuriser la zone,
puis permettre aux assureurs de
dédommager des personnes. »
Notons enfin que quelques
malins ont bien essayé de
profi ter de la tempête
pour coucher quelques
arbres, mais c'était
sans compter ces
outils actuels de
visualisation.
© STIN
Localisation des
zones impactées à
l'aide des nuages de
points.
LES SIG POUR SURVEILLER
LES FORÊTS
Mesurer les surfaces de forêts, leur
densité, suivre la production de bois,
optimiser leur accessibilité ou modéliser
leur biomasse, représentent autant
de travail de car tographie pour les
chercheurs et les institutions. De fait, la
forêt a retrouvé sa place de premier plan.
Première à subir la pression anthropique
directement par la déforestation ou par
les sècheresses et les phénomènes
météorologiques violents liés aux
changements du climat, elle est aussi
le symbole d'espoir, capable de nous
sauver en stockant le carbone que
nous ne cessons de produire. « Nous
sommes dans un moment charnière,
expose Fabrice Coq, chargé de mission
national aménagement et télédétection
à la Direction forêts et risques naturels
à l'Office National des Forêts. Trois
éléments poussent l'ONF à faire évoluer
son suivi des forêts en s'appuyant sur de
nouveaux outils. D'abord le changement
climatique. Alors que l'Office avait une
logique de stabilité dans une hypothèse
de climat stable, il doit faire face à des
situations moins prévisibles et plus
complexes à suivre. C'est le cas pour le
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