SIGMAG - N°39 - Décembre 2023 - 25

DOSSIER
la France et même le monde entier.
Les résultats permet tent de suivre
la variation des hauteurs des arbres
depuis 5 ans, avec une bonne précision.
« Notre laboratoire calcule depuis 2010
un volume mondial des forêts à une
échelle de 20 x 20 km. Cela permet
d'avoir une biomasse moyenne et de
suivre ses variations. »
Il serait nécessaire de vérifier tout cela
sur le terrain. Pour l'instant, les mesures
humaines restent de mise en France,
où l'on peut compter sur les relevés
réguliers de milliers de placettes. Il n'en
est pas de même au Canada où l'on
combine placettes et mesures satellites
dans un calcul hybride de pertes et
gains. Quant aux pays tropicaux :
les inventaires y sont très difficiles.
Ainsi, le Panel intergouvernemental
s ur l e c hangemen t c l imat i que
(IPCC) chargé des rapports du Giec
utilise des méthodes empiriques de
base multipliant la surface de la forêt
et avec un taux de croissance moyen.
Quant à la mission « Biomass » dont
le lancement est prévu en 2024 par
l'agence spatiale européenne, les
mesures reposeront sur un radar d'une
longueur d'onde de 1 m, et devront
être connectées à des inventaires au
sol. Cela dit, avec les outils satellites
météo, on arrive maintenant à des
prévisions plus précises qu'à partir des
stations au sol. Le même constat sera
peut-être bientôt fait pour la forêt : dans
5 ou 10 ans, on n'aura plus trop besoin
de données au sol.
DÉVELOPPER
LE POTENTIEL FORESTIER
Protéger et restaurer des forêts est plus
que jamais d'actualité, en installant
des essences adaptées aux climats
futurs escomptés à l'aide d'outils
géoréférencés comme Climessence,
Sesame ou Silvae. En France, un
grand plan national vise 1 milliard
d'arbres plantés en 10 ans, avec des
financements pour la filière : 150
millions en 2023, 250 millions pour
2024. Est-ce que cela sera suffisant ?
La question reste de savoir combien
de carbone la forêt est capable de
séquestrer, sachant que chaque forêt
n'est pas équivalente. Selon la FAO, la
forêt est un couvert arboré recouvrant
au moins 10 % d'une surface d'un demihectare
(5.000 m²). Mais l'arbre est ici
défini comme une plante pérenne
d'une seule tige qui atteint au moins 5
m de hauteur à maturité. Or une forêt
peut avoir plusieurs définitions.
LUTTER CONTRE LES COUPES SAUVAGES
Si les zones déforestées sont
facilement détec tables par
image satellite, identifier dans
une forêt tropicale, une coupe de
quelques arbres si gros soient-ils
n'est pas si facile. D'autant plus
que la canopée aura tôt fait de
recouvrir la sur face. Repérer
ces petits impacts qui mitent
la forêt tropicale, c'est le travail
de fourmi qu'Audrey Mercier,
chercheuse en télédétection,
a mené pendant 2 ans avec le
Cirad et Inrae. Il s'agissait de
Dossier à lire :
« Forêts,
l'appel 2.0 du SIG »
SIGMAG n°12
caractériser la dégradation des forêts en République Démocratique du
Congo, république du Congo et Cameroun, à partir de séries temporelles
Sentinel. « Une dégradation se matérialise par un impact de petite
taille qui peut correspondre à un seul arbre abattu ou quelques-uns au
milieu de la forêt. Ce sont des micros trous d'une surface inférieure à 0,2
hectare », précise la chercheuse. « La multiplication non coordonnée de
ces petits impacts peut conduire à une forte dégradation des écosystèmes
sur un territoire, poursuit Julie Betbeder, chercheuse en écologie du
paysage et télédétection au Cirad, car la forêt continue à exister, mais
dans un fonctionnement détérioré. En termes de biomasse, des études
ont démontré que la dégradation émet davantage de carbone que la
déforestation. Et aujourd'hui 75 % des forêts sont dégradées. »
L'étude a porté entre 2018 et 2022 sur 3 zones artisanales de quelques
centaines de kilomètres carrés et de 2 zones labellisées FSC en République
du Congo sur un total de presque 10000 km². L'analyse a porté sur les
images Sentinel-1. Il s'agissait, tous les 6 jours, de repérer la chute du
signal radar dans les séries temporelles. « Pour chaque pixel (10 m) au fil
du temps, on décrit la forme du signal et on regarde si on peut relier les
chutes de signal avec des dégradations effectives, en éliminant les bruits
du type un arbre qui perd ses feuilles ou un arbre qui tombe naturellement
», explique la chercheuse. Les signaux ont ensuite été comparés à
des échantillons terrain : des points GPS positionnés sur les trouées
d'abattage, accompagnés de
vols de drones pour capter
des images de ces lieux. La
corrélation entre troués et chute
de signal a pu être vérifiée pour
20 à 40 % des cas. Pour l'instant,
le système permet de détecter
des fronts de dégradation, mais
ne permet pas de localiser les
trouées. La méthode développée
n' ident ifiai t pas l 'ensemble
des impac t s, mais a permi s
d'améliorer les modes de mesure
préexistants. Ce travail faisait
par tie d'une étude plus large,
PROFEAAC, visant à livrer des
outils permettant de rationaliser
l'exploitation de la forêt. Loin de
vouloir contrôler une économie
pas toujours déclarée, l'idée est
d'accompagner les populations
dans une meilleure gestion de
leurs richesses naturelles.
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SIGMAG
https://www.sigtv.fr/Forets-l-appel-2-0-du-SIG_a908.html
SIGMAG - N°39 - Décembre 2023

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