Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger n°1-2023 - 171

À QUOI SERT LE SÉNAT ? RÉFLEXION SUR LES FORTUNES DU BICAMÉRALISME
AU GABON ET AU CAMEROUN À L'ÈRE DES NOUVEAUX DÉFIS ÉTATIQUES
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considéré par certains auteurs comme « révolu » (10) ou comme « l'un des
plus grands échecs de la pratique contemporaine » (11), il est pour une autre
doctrine une institution indispensable à la démocratie car « elle est à la démocratie
ce que la Cour constitutionnelle est à l'État de droit » (12). Pour Marcel
Perlot, le Sénat est même une institution consubstantielle à la démocratie de
telle sorte que s'il « n'y a pas de Sénat, il n'y a pas de République » (13).
Originellement rattaché à la tradition anglaise (14), le bicaméralisme s'est
exporté et a été adopté dans presque tous les États du monde sur la base
de l'idée bien défendue selon laquelle « le dualisme des assemblées est un
axiome que la raison et l'expérience ont placé hors d'atteinte, car partout où
le pouvoir législatif est en une seule main, la liberté ne peut exister » (15).
Mais, force est de constater que les constituants africains n'ont pas très vite
cédé à la tentation du bicaméralisme et l'on peut très bien s'en rendre compte
à l'analyse de la trajectoire des institutions politiques des pays sous étude.
Au Gabon, le système parlementaire bicaméral a été institué en 1994 avec la
révision de la Constitution de mars 1991 (16). Au Cameroun, il a existé dans
la partie occidentale pendant la période fédérale (17), une seconde chambre
appelée « House of Chiefs » à côté de l'Assemblée législative (18). Mais, ce
système a été remis en cause avec le retour à l'État unitaire. Le système bicaméral
sera véritablement réinstitué avec la loi constitutionnelle du 18 janvier
1996 portant révision de la loi constitutionnelle du 2 juin 1972 portant Constitution
du Cameroun. Il aura cependant fallu attendre 17 années, soit jusqu'en
2013, pour que le Sénat soit effectivement mis en place (19).
(10) Laski H., cité par Aboya Endong M., « Le bicamérisme en Afrique : visions
post-conflit et perspectives démocratiques », Solon 2005, vol. 1, n° 2, p. 2.
(11) De Baecque A., Une histoire de la démocratie en Europe, 1991, Éd. Le Monde,
p. 35.
(12) Gélard P., « À quoi peut donc servir une seconde chambre en démocratie ? »,
art. préc., p. 146.
(13) Prélot M., cité par Kuakuvi K., « Les secondes chambres du Parlement dans les
États francophones... », thèse préc., p. 35.
(14) Russell M., The Contemporary House of Lords: Westminster Bicameralism
Revived, 2013, Oxford, Oxford University Press ; Mastias J., Grangé J. (dir.), Les
secondes chambres du Parlement en Europe occidentale, 1987, Economica.
(15) Lally-Tollendal (de) G., cité par Jan P., Les assemblées parlementaires françaises,
2005, Doc. fr., p. 17.
(16) Ondo T., Le droit parlementaire gabonais, 2008, L'Harmattan ; Mengue Me
Engouang F., « Le nouveau Parlement gabonais », Afrique juridique et politique 2002,
vol. 1, n° 1, p. 5 à 28.
(17) C'est-à-dire entre 1961 et 1972.
(18) Kamto M., « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », Revue
juridique africaine 1995, n° 1, 2 et 3, p. 7 à 48.
(19) Cette entrée en fonction retardée du Sénat se justifie par le principe de progressivité
de la mise en place des institutions créées par la Constitution de 1996, qui
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