Bibliothèque de droit privé - Tome 633 - Le renouveau de l'action oblique - 133

L'ACTION OBLIQUE, SANCTION DE L'INEXÉCUTION DU CONTRAT
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oblique constitue bien un mécanisme d'exécution forcée de l'obligation-source. La
satisfaction obtenue par le créancier est donc fondée sur une caractéristique autre
qu'une fongibilité ou une interchangeabilité des obligations qu'il convient d'exposer.
Il faut, au préalable, justifier de cette qualification de mécanisme d'exécution forcée.
En effet, il ne peut y avoir mécanisme d'exécution forcée que s'il y a inexécution. Or
l'inexécution de la créance du créancier n'est pas une condition traditionnelle de l'action
oblique.
219. Inexécution exigée de l'obligation-source - Pour qu'il y ait exécution
forcée, il faut qu'il y ait une inexécution à sanctionner. Cette condition d'inexécution
de l'obligation-source n'est pas formulée dans l'action oblique. Elle justifie pourtant
l'action du créancier122.C'est cette inexécution qui se dissimule sous l'exigence jurisprudentielle
d'un intérêt à agir. Elle se lit aussi, tapie derrière l'exigence légale de
compromission des droits du créancier123. Cet intérêt à agir procède de la négligence
de son débiteur à exercer son droit. Ainsi, l'action oblique peut être exercée lorsque le
preneur ne peut jouir paisiblement de la chose louée (exploiter par exemple l'activité
commerciale installée dans les locaux), par l'effet d'un tiers exploitant une activité
concurrente, en méconnaissance des stipulations de son propre bail. Ici, si le tiers est
àl'origine médiate de l'inexécution, c'est l'abstention immédiate du débiteur à agir
contre son cocontractant qui justifie l'action oblique. L'intérêt à agir existe, d'ailleurs,
que le preneur bénéficie ou non d'une clause de non-concurrence car l'obligation
méconnue est la mise à disposition des locaux.
220. Particularité de l'obligation de mise à disposition : passivité attendue
du débiteur - Cette obligation de mise à disposition présente une particularité car une
fois édictée, elle n'exige aucune activité du débiteur. Il suffit simplement que la délivrance
ait été assurée. Il s'agit d'une obligation que l'on peut qualifier de négative.
Certes, elle oblige à différentes prestations positives - entretenir les lieux loués, effectuer
des réparations - mais peut aussi être sériée en différentes obligations de ne pas
faire. Dans la mesure où ces obligations sont continues, elles ne supposent pas d'activité
positive du débiteur, et ne peuvent être inexécutées que par la négligence d'un
tiers dont le débiteur doit répondre. Les obligations de mise à disposition sont donc
sanctionnées par l'action oblique dans leur composante d'obligation de ne pas faire.
Ces deux types d'obligations - obligations de ne pas faire et obligations de mise
à disposition - ont pour point commun que la durée constitue le quantum de l'obligation.
En effet, contrairement à la conception traditionnelle qui considère le temps
comme un instantané - c'est le cas pour le terme de l'obligation -, il est possible de
considérer le temps dans son étendue, de considérer la durée de l'obligation. C'est ce
que Mme
Etienney propose dans sa thèse124. La durée participe parfois de la définition
de l'obligation, laquelle peut être ordonnée selon que le temps est dilatoire ou satisfactoire.
Le temps est dilatoire lorsqu'il est nécessaire pour l'accomplissement de la
122. L. SAUTONIE-LAGUIONIE, La fraude paulienne, op. cit., nº 104 : « L'hypothèse à laquelle
peut s'appliquer l'article 1166 du Code civil est celle d'un créancier qui se heurte à l'inexécution de son
débiteur alors que celui-ci, s'il demandait l'exécution de son droit à son propre débiteur, serait en mesure de
répondre de sa dette. »
123. Nous verrons cependant que l'inexécution de l'obligation du créancier n'est pas la seule hypothèse
dans laquelle ses droits sont compromis.
124. A. ETIENNEY, La durée de la prestation, Essai sur le temps dans l'obligation, préf.
Th. REVET ; v. aussi L. AYNÈS, La cession de contrat : et les opérations juridiques à trois personnes,
coll. « Droit civil, Série Études et recherches », 1984 nº 300-301.

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