Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 166 - Les dispositions inexploitées de la Constitution de 1958 - 150

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LES DISPOSITIONS INEXPLOITÉES DE LA CONSTITUTION DE 1958
d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne est soumis au référendum
par le président de la République »26. À côté de cette procédure, il existe une
voie d'exception qui est l'autorisation par le Congrès : « toutefois, par le vote d'une
motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes,
le Parlement peut autoriser l'adoption du projet de loi selon la procédure
prévue au troisième alinéa de l'article 89 »27. La volonté du constituant est ici explicite
: le président de la République a la possibilité de choisir entre le référendum et le
Congrès, mais la première voie devrait être privilégiée.
Lors des débats parlementaires sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation
des institutions de la Ve République en 2008, Rachida Dati, alors garde des
Sceaux, avait déjà donné le ton dans ce sens devant les députés en préconisant que
« le référendum soit la voie ordinaire pour toutes les nouvelles adhésions mais qu'il
soit possible de recourir à la voie du Congrès en cas de quasi-consensus parmi les
parlementaires pour reconnaître que le référendum ne serait pas justifié »28.On
retrouve la même structure textuelle à l'article 89 de la Constitution relatif à la procédure
de révision constitutionnelle. Selon cet article, un projet de révision est
approuvé, en principe, par la voie référendaire. « Toutefois, [il] n'est pas présenté au
référendum lorsque le président de la République décide de le soumettre au Parlement
convoqué en Congrès »29. Là encore, le constituant semble privilégier ouvertement la
voie référendaire au détriment de la voie du Congrès pour l'approbation d'un projet
de révision constitutionnelle : « la rédaction est sans ambiguïté : la voie référendaire
est privilégiée »30. Les travaux préparatoires durant l'été 1958 le confirment : « l'idée
est que le référendum intervient toujours (...). Seulement, dans le cas où il ne serait
pas possible, pour des raisons majeures, d'y parvenir, le Président peut s'en
dispenser »31.
Dans ces deux cas de figure, il existerait une sorte d'ordre de primauté entre les
dispositions en question. C'est comme si le président de la République devait d'abord
envisager la voie référendaire avant de songer à réunir le Congrès pour faire autoriser
la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne ou pour
l'approbation de tout projet de loi constitutionnelle. Ainsi, les dispositions visées ne
seraient pas concurrentes, mais plutôt complémentaires. Ici, il est théoriquement
entendu que la voie référendaire doit être privilégiée. Le Congrès ne doit être sollicité
que lorsque le référendum ne se justifie pas, c'est-à-dire de manière accessoire. Cette
dernière voie constituerait un remède aux limites de la première qui demeure la voie
normale. Les deux dispositions entretiendraient de ce fait une relation de complémentarité
et non un rapport de concurrence.
254. Pour autant, convient-il de s'interroger sur la portée juridique de cette présumée
primauté : devrait-on considérer que la possibilité de choix de l'organe compétent,
ici le président de la République, est limitée par cette volonté manifeste du
constituant de privilégier telle voie ? La réponse est non. Les dispositions concernées
26. Art. 88-5, al. 1er
, de la Constitution de 1958.
27. Art. 88-5, al. 2, de la Constitution de 1958.
28. Débats Assemblée nationale, 2e
29. Art. 89, al. 3, de la Constitution de 1958.
30. J. Boudon, Manuel de droit constitutionnel t. 2 La Ve
séance du 9 juillet 2008, JO, 10 juillet 2008, p. 4509.
République, op. cit., p. 368.
31. Ainsi s'exprimait M. Janot lors de l'examen de l'avant-projet de Constitution par l'Assemblée
générale du Conseil d'État les 27 et 28 août 1958, V. Documents pour servir à l'histoire de l'élaboration
de la Constitution du 4 octobre 1958, vol. III, Paris, La documentation française, 1991, p. 433.
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