Arts&MétiersMag - N°409 - Mai 2019 - 61

Les «drachen»
(en français
«cerfs-volants»,
«dragons»),
ballons
d'observation
allemands,
étaient
surnommés
«saucisses» par
les Poilus.
Détruire ce
cauchemar des
artilleurs et
autres troupes
au sol était vital.
Les As français,
tel Charles
Macé,
s'employaient
à les abattre
en prenant
des risques
insensés.

PHOTO DR

Charles Macé va accumuler les exploits qui lui
vaudront, grâce à 12 victoires homologuées,
7 citations à l'ordre de l'armée, la Médaille
militaire et la croix de chevalier de la Légion
d'honneur (2). Sur les deux premières victoires
homologuées du 27 mars 1918, l'une fait l'objet
d'une citation (celle du 24 avril 1918) pour avoir
«habilement manœuvré et abattu en terre française» un biplan ennemi. Ce fait d'armes vaut au
sergent Macé d'être promu adjudant. Les citations suivantes, du 9 mai et du 18 juin 1918, qui
portent attribution de la Croix de guerre avec
palmes, témoignent de sa vaillance comme de
sa polyvalence au combat : «Pilote à l'escadrille,
s'est signalé par trois bombardements à 200 m
d'altitude sur des objectifs ennemis et par de
nombreux combats poursuivis avec une remarquable ardeur. A contraint récemment un avion
d'atteinte de la DCA. «D'un coup, je plonge, je
Parmi les As de l'aviation, 8 ont pu contribuer à
pique, je tombe droit sur ma proie. C'est une
la victoire en abattant une centaine de ballons
ennemi à atterrir désemparé dans ses lignes en
rude minute. Je sens de violents chocs dans
captifs ennemis en 1918. Ils s'appellent
le mitraillant jusqu'au sol.» Suivent la citation
Maurice Bizot (7 ballons abattus), Charles Macé ma poitrine, je n'entends plus mon moteur
du 14 août 1918 («a contraint un biplan ennemais, seul, le sifﬂement de la chute... J'observe
(8), Armand Pinsard et Jean Pezon (9 chacun),
mi à atterrir dans nos lignes, près de Lunéville»,
le compte-tours ? Oh ! Le régime de rupture.
Jean-Paul Ambrogi (11), Maurice Boyau (22),
e
3 victoire homologuée) et celle du 15 septembre
Vite, un coup sur la commande du moteur.
Michel Coiffard (26) et Léon Bourjade (27). Ce
1918 (4e victoire homologuée), qui concerne le
L'altimètre descend, mais trop lentement à
dernier a survécu. Devenu missionnaire en
mon gré. Et la saucisse ? Elle est là, bien en
Papouasie, il raconte : «Deux ans de séjour aux
premier de 8 ballons captifs abattus («a incendessous. J'approche. Elle grossit très vite...
tranchées comme chef d'une section de
dié un "drachen" ennemi»). Contrairement aux
Sans viser, je tire sur le ventre décoré de sa
crapouillots m'avaient laissé des drachen un
apparences, cette cible imposante, protégée par
croix noire, l'énorme peau absorbe ma gerbe à
souvenir si désagréable que le jour où je vis
une haie de mitrailleuses et la DCA, est très difbout portant. Maintenant, demi-tour et à pleine
s'effondrer en ﬂammes ma première victime,
ﬁcile à atteindre. Ensuite, les victoires vont sousauce...» Sa tactique exige un cœur et des nerfs
ce fut pour moi mieux qu'une victoire : une
e
e
vent par deux comme la 5 et la 6 , relevant de la
capables de résister aux secousses que
revanche.» Issu de l'école de voltige aérienne
provoquent ces piqués vertigineux. Bourjade,
de Pau, Léon Bourjade est devenu l'As des
citation du 22 septembre 1918 («a incendié un
chasseurs de «drachen» en plongeant en piqué pourtant solide, en est épuisé et doit demeurer
"drachen" à La Galerie et un autre à "Juvelézé"»
de 3 000 à 300 mètres, de façon à rester hors
longtemps allongé entre ses sorties.
M. V.
[sic], à 3 min d'intervalle). La citation au «Journal ofﬁciel» (JO) du 28 février 1919 relatant l'attribution (prenant effet le 2 novembre 1918) de
penoise») complète son tableau de chasse. La dernière citation («a
la Médaille militaire à Charles Macé montre encore une fois son
effectué une reconnaissance à 20 km dans les lignes ennemies et à
degré d'engagement : «Macé Charles, adjudant au 53e régiment
d'artillerie de campagne, pilote dont l'abnégation, l'audace et le détrès basse altitude en mitraillant les cantonnements») lui vaut l'atsintéressement sont du plus bel exemple pour tous. Est rentré seize
tribution de la croix de chevalier de la Légion d'honneur (arrêté
fois à son terrain avec un appareil et des vêtements criblés de balles.
du 20 mai 1919 prenant effet le 31 mars 1919). Il n'a pas encore
A déjà abattu deux avions et un "drachen". A remporté, le 22 sep21 ans ! Cela termine en apothéose sa carrière de pilote de chasse.
tembre 1918, deux nouvelles victoires en incendiant deux ballons
Macé est qualiﬁé de «sous-ofﬁcier d'un grand courage et d'une
d'observation ennemis. Quatre citations.»
haute valeur morale».
Classé 27e ex aequo sur 175 As français, il est le seul gadzarts de la
liste
et l'un des six plus jeunes, ceux de la classe 1918, nés en 1898,
L'un des six plus jeunes As de 14-18
qui ont totalisé à eux seuls 67 victoires homologuées (3). En 1919,
Avec ses cinq victoires homologuées, Charles Macé entre dans le
cercle fermé des As de la Première Guerre mondiale. La 7e victoire
la classe 1918 n'étant pas démobilisée, l'escadrille SPA 90 continue
du 10 octobre 1918 (un 4e ballon abattu à «Géline», Meuse) a été
à s'entraîner à Haguenau (Bas-Rhin). Après un virage à très basse
homologuée mais sans citation, contrairement aux deux suivantes.
altitude, Macé s'écrase au sol le 7 juin 1919 et meurt en service aéLa citation relative aux 8e et 9e victoires homologuées du 18 octobre
rien commandé, à 21 ans, sans avoir eu la possibilité de reprendre
1918 («a incendié 2 drachen en 2 minutes» à «Omeray» et «Avrinses études. L'As gadzarts est enterré au cimetière de Pau. L'aéroclub
court» [sic]) et celle du 22 octobre 1918 pour les 10e et 11e victoires
ainsi qu'une rue de Pau portent son nom.
homologuées («a descendu, en ﬂammes, 2 drachen ennemis» à
Michel Veysseyre (Ai. 58) et Jean-Louis Eytier (Bo. 68)
Goin et Géline à 5 minutes d'intervalle) font de Macé un «tueur»
(1)
Lire l'article sur Louis Béchereau (An. 1896) dans AMMag d'avril 2003.
redoutable de «drachen» (lire l'encadré ci-dessus). La citation avec
(2)
Registres matricule, site www.as14-18.net et Livre d'or 14-18 Arts et Métiers.
e
communiqué au JO pour la 12 victoire homologuée du 28 octobre
(2)
Les cinq autres jeunes As sont Pierre Marinovitch, Jean Bozon-Verduraz,
Pierre
Ducornet, Jean Pezon et Paul Santelli.
(«a abattu un avion Hannover en ﬂammes, au nord de Fère-Cham-

Confessions
d'un tueur de drachen

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