Expertise Notariale - Usufruit, gestion de patrimoine et pratique notariale - 142

142 USUFRUIT, GESTION DE PATRIMOINE ET PRATIQUE NOTARIALE
205. Un fruit revenant en pleine propriété à l'usufruitier. L'usufruitier a donc
droit au bénéfice distribué qui constitue un fruit issu des droits sociaux,
mais pas au bénéfice distribuable qui est un fruit de l'actif social. Un sort
identique doit être réservé au report à nouveau qui constitue lui aussi un
fruit à compter de sa distribution102. Il est donc très important de distinguer
le bénéfice de la société des sommes réellement distribuées aux associés, la
distribution ne pouvant être décidée que par la collectivité des associés.
L'usufruitier a donc droit au bénéfice de l'exercice distribué et ce quelle
que soit son origine. Certes, certains auteurs considèrent néanmoins que
le résultat exceptionnel, parce qu'il entame la substance des droits sociaux
lorsqu'il est distribué, devrait revenir au nu-propriétaire grevé du quasiusufruit
de l'usufruitier des titres103, mais une telle assertion nous semble
contestable. En effet, le droit civil ne fait pas de distinction comptable
entre le revenu courant et le revenu exceptionnel. De la sorte, et sauf
convention contraire, l'usufruitier a droit à l'intégralité du bénéfice distribué,
qu'il soit issu de résultats courants ou de résultats exceptionnels, lesquels
sont généralement constitutifs des plus-values de cession d'actifs
immobilisés104.
Pour autant, s'il est interdit de priver l'usufruitier de la pleine propriété du
bénéfice correspondant au résultat courant, en raison des dispositions de
l'article 582 du Code civil, il est sans doute permis de déroger à la règle
selon laquelle le résultat exceptionnel revient en pleine propriété à
l'usufruitier105. On peut imaginer que ce dernier soit versé à l'usufruitier
sous la forme d'un quasi-usufruit (C. civ., art. 587), le nu-propriétaire étant
alors titulaire d'une créance de restitution à faire valoir au décès de ce dernier.
Il est également possible de ventiler ce résultat exceptionnel entre
l'usufruitier et le nu-propriétaire, selon la valeur de leurs droits, voire de
l'attribuer en pleine propriété au seul nu-propriétaire. Ces deux dernières
solutions peuvent présenter un intérêt en présence de sociétés semi-transparentes
pour lesquelles le nu-propriétaire constitue le contribuable pour
l'imposition des plus-values106.
Sur le plan formel, il nous semble que cette dérogation conventionnelle
peut prendre la forme d'une clause insérée au sein des statuts, mais
102. V. en ce sens : Cl. Barillon, « La naturejuridique du report à nouveau », BJS2017, nº 5, p. 345.
103. E. Casimir et E. Pornin, « Retour sur les droits financiers de l'usufruitier et du nu-propriétaire
de droits sociaux », RFP 2022, nº 6, 16, spéc. nº 12 et 13.
104. V. H. Hovasse et R. Mortier, « L'usufruit de droits sociaux », Actes pratiques et ingénierie sociétaire
2009, nº 105, dossier 3, spéc. nº 23. V. aussi : A. Bouquemont, « Répartition des prérogatives
financières entre l'usufruitier et le nu-propriétaire de titres sociaux »,JCPN 2021, nº 51-52,
1353, spéc. nº 5.
105. A. Bouquemont, op. cit., nº 6.
106. V. infra, nº 211 et s.
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