Expertise Notariale - Usufruit, gestion de patrimoine et pratique notariale - 144

144 USUFRUIT, GESTION DE PATRIMOINE ET PRATIQUE NOTARIALE
Ainsi, lorsque les associés décident de la mise en réserve des bénéfices,
ceux-ci s'agrègent aux capitaux propres de la société et prennent la qualité
de produits. En conséquence, lors de leur distribution, les réserves doivent
revenir au nu-propriétaire, mais la haute juridiction considère qu'elles doivent
être grevées du droit de jouissance de l'usufruitier, ce dernier bénéficiant
ainsi d'un quasi-usufruit légal sur les sommes reçues. Il devra donc, au
terme de l'usufruit, indemniser le nu-propriétaire titulaire d'une créance
de restitution111.
Toutefois, la Cour affirme que cette distribution sous forme de quasi-usufruit
est susceptible de volonté contraire. La Cour laisse en réalité une
grande marge d'appréciation aux associés qui pourront prévoir le mode
de distribution du dividende le plus approprié112.C'est en cela que cette
solution, même si elle peut apparaître pour beaucoup imparfaite
juridiquement113, a le mérite de la praticité114. En effet, l'assemblée générale
pourra décider de l'attribution du dividende sous la forme d'un quasiusufruit,
mais aussi de l'attribution à l'usufruitier et au nu-propriétaire avec
l'obligation d'employer les fonds, ou de sa ventilation entre l'usufruitier et
le nu-propriétaire en fonction de la valeur de chaque droit115, voire de son
attribution en pleine propriété au nu-propriétaire des titres.
La première chambre civile a considéré, quant à elle, que «si l'usufruitier a
droit aux bénéfices distribués, il n'a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en
réserve, lesquels constituent l'accroissement de l'actifsocial et reviennent en tant que
tel au nu-propriétaire»116. Ici aussi, la première chambre civile adopte la position
selon laquelle les dividendes mis en réserve s'agrègent au capital social
et prennent alors la qualité de produits de l'actif social. En revanche, et à la
différence de la chambre commerciale, la première chambre civile considère
que les réserves distribuées reviennent en pleine propriété au nupropriétaire
des droits sociaux et non à l'usufruitier sous la forme d'un
quasi-usufruit. Cette solution qui ne laisse pas de place à la volonté
contraire est sans doute trop stricte. Pour cette raison, la solution retenue
par la chambre commerciale a notre préférence.
208. Conseils pratiques. En pratique, il nous semble que les statuts ou une
convention extra-statutaire, voire le procès-verbal d'assemblée générale,
111. Par application de l'article 587 du Code civil.
112. V. note R. Gentilhomme, déjà citée.
113. V. notamment les notes critiques de l'arrêt de R. Mortier, H. Hovasse et A. Tadros.
114. V. A. Rabreau, note précitée.
115. Ce qui est la règle en matière de cession d'un bien démembré, sauf volonté contraire de
l'usufruitier et du nu-propriétaire (C. civ., art. 621).
116. Cass. 1re civ., 22juin 2016, nº 15-19471, Gaz. Pal. 2016, nº 31, p. 46, note Cl. Barillon ; D. 2016,
p. 1976, note A. Rabreau ; JCPG 2016, 1005, note J. Laurent ; JCPN 2016, 1278, note
H. Hovasse.
Expertise Notariale - Usufruit, gestion de patrimoine et pratique notariale

Table des matières de la publication Expertise Notariale - Usufruit, gestion de patrimoine et pratique notariale
