Mémentos - Droit administratif des biens - 17e - 248

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MÉMENTOS - DROIT ADMINISTRATIF DES BIENS
La réquisition d'emprise totale devant la CEDH
CEDH, 22 avril 2002, Lallement c/France
Cet aspect du droit français de l'expropriation a également suscité la critique de la Cour
européenne des droits de l'homme. Celle-ci a en effet jugé qu'en cas d'expropriation
partielle de terrains agricoles, le propriétaire agriculteur est en droit de solliciter une indemnisation
pour la perte de son outil de travail, alors même qu'il n'aurait pas requis l'emprise
totale. Cette solution est fondée sur le droit de toute personne au respect de ses biens, tel
qu'il résulte de l'article 1er
du Protocole nº 1. En effet, pour la Cour, compte tenu du
morcellement de l'exploitation et du type d'activité exercée, « l'indemnité versée n'est
pas raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, puisqu'elle ne couvre pas spécifiquement
la perte de l'outil de travail », situation à laquelle ne permettent pas de remédier
les dispositions du Code de l'expropriation relatives à la réquisition d'emprise totale. Reste
la question de la portée de cette jurisprudence, qui vient contourner (et corriger) les règles
traditionnelles du droit français.
D'autant que la Cour a profité de l'occasion pour rappeler le principe plus général selon
lequel toute ingérence dans le droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre
entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde
des droits fondamentaux de l'individu concerné. La richesse d'un tel principe
conduit à s'interroger à nouveau sur la conventionnalité du Code de l'expropriation.
Rappelons que la France a déjà été condamnée par la Cour de Strasbourg pour la
lenteur excessive de la procédure d'indemnisation (CEDH, 21 févr. 1997, Guillemin c/
France). Il pourrait également en aller ainsi pour certaines règles de fond, considérées
jusqu'ici peut-être un peu trop rapidement comme à l'abri de toute censure par les
juges européens.
B - Les règles de fond
1) Les principes généraux
a) La réparation du préjudice direct, matériel et certain
Aux termes de l'article L. 321-1 du Code de l'expropriation, le jugement fixant le montant
de l'indemnité d'expropriation doit prendre en considération la réparation du préjudice
direct (c'est-à-dire né directement de l'expropriation, tel qu'une perte de loyers), matériel
(par opposition au préjudice moral, qui n'est pas indemnisé) et certain (par opposition à un
préjudice seulement éventuel, tel que l'impossibilité de réaliser dans l'avenir un projet de
construction). On notera que le Conseil constitutionnel a précisé que l'absence d'indemnisation
du préjudice moral n'est pas contraire à la Constitution : il a en effet estimé de
façon lapidaire qu'« aucune exigence constitutionnelle n'impose que la collectivité expropriante,
poursuivant un but d'utilité publique, soit tenue de réparer la douleur morale
éprouvée par le propriétaire à raison de la perte des biens expropriés » (Cons. const.,
21janv. 2011, nº2010-87 QPC, Seguier d'Agoult). On ne peut que regretter ici l'absence
d'argumentation juridique au soutien d'une position bien éloignée de la conception large
que retiennent le juge judiciaire comme le juge administratif de la notion de préjudice...
Quant à la Cour européenne des droits de l'Homme, elle n'exige pas que la dépréciation
de la valeur vénale du bien du fait des nuisances sonores et paysagères engendrées par
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