Cultures marines n°331 - 24

24 SCIENCES
Moules

Un nouveau phénomène néoplasique ?

VIBRIO

Les surmortalités mytilicoles avaient au départ été associées à la présence de souches
virulentes de Vibrio splendidus. Le dernier
rapport Morbleu modère cette première
hypothèse. « Il y a des Vibrio splendidus

C'est la première fois
que les scientiﬁques
suivent le processus
néoplasique
des moules
sur plusieurs mois.

associés aux moules moribondes mais on ne
sait pas si ces souches sont plus virulentes ou si
c'est un autre processus qui fait que les moules
résistent moins bien, détaille le chercheur de
l'Ifremer. On pense que les cheptels sont fragilisés par quelque chose, comme des processus
néoplasiques. »
Les scientiﬁques ont aussi cherché à caractériser le contexte environnemental de
ces mortalités. Ce suivi depuis 2014 leur

Ifremer

es scientiﬁques ont observé des phénomènes néoplasiques dans des
moules françaises [Cultures marines
n° 322 et 323]. Mais sur plusieurs milliers
d'individus testés, ils n'ont retrouvé que
trop rarement (0,6 % des cas) le cancer
qui sévit outre-Atlantique pour penser
que c'est cette maladie qui fait mourir les
moules françaises depuis 2014. « Dans une
étude réalisée en 2018, on observe un dysfonctionnement cellulaire mais on ne peut pas dire
à ce stade des analyses si le processus va évoluer vers une néoplasie ou pas, explique JeanFrançois Pépin, le coordinateur du rapport
Morbleu qui va être prochainement rendu
public. On soupçonne qu'il y a un autre processus qui pourrait être également une néoplasie
mais qui ne serait pas celle décrite par nos collègues canadiens sur Mytilus trossolus. »

permet de croire que la température hivernale est un facteur signiﬁcatif dans l'expression du phénomène, les hivers doux étant
concordants avec de plus fortes pertes.
Ils observent aussi de fortes variations de
salinité lors d'épisode de mortalités, sans
pour autant pouvoir afﬁrmer à ce stade des
recherches s'il s'agit d'un concours de circonstances ou d'un facteur aggravant.
Marion Larronde-Larretche

Décontamination

Le charbon actif pour ﬁltrer l'eau de mer

Sandrine Pelletier

a plateforme expérimentale mollusques marins de la station Ifremer
de Bouin, en Vendée, a montré qu'utiliser du charbon actif en grain pour ﬁltrer
l'eau de mer retient les contaminants

Christophe Stavrakakis a commencé
ses essais sur le charbon actif en 2013.

Cultures marines n°331 Novembre 2019

chimiques et évite d'y exposer les élevages
larvaires.

C'est le résultat fourni par le projet
Adaqua qui a démarré en 2013. Cette
année-là, une étude avait déjà révélé la
présence récurrente de contaminants
chimiques sur le polder de Bouin. En
parallèle, les écloseurs constataient une
baisse de croissance et même des mortalités au stade larvaire. En réponse, la
plateforme expérimentale a lancé le
projet Adaqua concernant l'amélioration de la qualité des eaux grâce au charbon actif. Son efﬁcacité en eau douce
était connue, restait à l'établir en eau
de mer. À l'issue de cette phase qui a eu
lieu en 2015, il a été démontré qu'avec
le charbon actif utilisé, les fécondations
étaient souvent difﬁciles et une fois
celle-ci réalisées, la croissance des larves
était un peu plus lente.
Dans le cadre d'Adaqua 2, certains paramètres de l'étude initiale ont été changés.
Un nouveau charbon actif avec un taux de

cendre proche de zéro a été utilisé et le
mode de fonctionnement de la colonne
de ﬁltration a été modiﬁé. « En faisant entrer de l'eau très chaude dans le procédé, on a
tendance à favoriser des développements bactériens qui impactent négativement la fécondation », explique Christophe Stavrakakis,
responsable de la plateforme à la station
Ifremer de Bouin.
Décision a donc été prise de rentrer
l'eau de mer à une température inférieure
à 20 °C et de la chauffer dans un second
temps. Cela a permis de ﬁabiliser l'étape
de fécondation sans développement bactérien néfaste. L'étude a aussi démontré
qu'au cours des différents élevages menés,
il y avait toujours un abattement important de la concentration de contaminants
chimiques dans l'eau ﬁltrée sur charbon.
Cependant, dans le cas de molécules très
solubles dans l'eau comme le glyphosate,
aucun adsorbant n'a été identiﬁé à ce jour
pour les éliminer.
Sandrine Pelletier

Cultures marines n°331

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