Les Mélanges - Mélanges en l’honneur de Jean-Paul Decorps - 88

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LE TRANSHUMANISME : OBSERVATIONS INTRODUCTIVES
Pour ne prendre qu'un exemple, les gueules cassées de la guerre de 1914-1918
ont fait considérablement avancer la chirurgie réparatrice : les prothèses maxillofaciales,
celles des membres inférieurs comme supérieurs, se perfectionnent et
permettent un siècle plus tard à certains champions de transcender leur handicap
pour réaliser des prouesses.
Tel est le cas d'Oscar Pistorius dit « The Blade Runner », célèbre pour avoir
concouru avec des valides aux JO en 2012 (avant de l'avoir été pour le tragique
meurtre de sa compagne...).
Les prothèses, orthèses, implants, vis et plaques d'ostéosynthèse ou fixateurs
extérieurs en matériaux biocompatibles (lesquelles permettent par des jeux de vis
et de plaques de réduire les fractures) montrent déjà amplement la capacité de
l'homme à ne pas se satisfaire de la nature et à s'accommoder de l'incorporation
de corps étrangers.
9. Augmentation. - À la différence de la réparation, l'augmentation délibérée
de l'homme en l'absence de tout coup du sort se trouve au cœur du transhumanisme.
Elle est autrement débattue...
Selon Francis Fukuyama, théoricien de la fin de l'histoire, il s'agirait de l'idée
la plus dangereuse du monde car elle mettrait en péril l'humanité.
À dire vrai, la prétendue summa divisio entre réparation et augmentation
pourrait masquer une différence de simple degré et non de nature.
Le cas d'Oscar Pistorius le montre amplement : réparé de deux amputations à
l'âge de 11 ans, il fut accusé d'être injustement avantagé par rapport aux autres
coureurs par ses deux lames en carbone de compétition.
Car de la réparation de l'homme (l'homme rétabli) à l'augmentation de
l'homme (l'homme plus), la frontière est pour le moins difficile à tracer.
Aussi, certains suggèrent-ils que le transhumanisme serait déjà parmi nous.
Nous serions des transhumains en puissance grâce aux progrès considérables
de la médecine...
Car quitte à réparer le blessé ou le malade, pourquoi ne pas saisir l'occasion de
l'améliorer, une fois le capot ouvert, en lui ajoutant quelques soupapes ou quelques
chevaux de plus ?
Et comment ne pas voir que le courant transhumaniste propose, à sa manière,
de réparer l'homme - et pas seulement l'homme blessé ou malade - en gommant
les tares de tout humain et en le libérant de ses limitations naturelles (faiblesses
physique ou intellectuelle, mort et maladie).
La frontière entre le rétablissement et l'amélioration est donc poreuse...
Didier Guével l'a très finement souligné déjà.
La réparation de l'homme aura insidieusement préparé les corps, directement,
et les esprits, indirectement, à l'idéologie transhumaniste : elle est le cheval de
Troie de son amélioration.
Il n'y manque plus guère que l'intention du sujet de ne pas s'en remettre au
seul destin.
10. Élément matériel et élément intentionnel. - C'est l'intention qui permet
de faire le départ entre réparation et amélioration ou novation de l'humanité.

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