Les Mélanges - Mélanges en l’honneur de Jean-Paul Decorps - 91

PHILIPPE DUPICHOT
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Or, l'humain augmenté et ses membres possiblement améliorés interrogent et
transcendent les catégories traditionnelles.
La summa divisio des personnes et des biens - déjà mise à mal par les appels
contemporains à une quasi-personnification de l'animal - s'estompe un peu plus
à mesure que des objets extérieurs viennent réparer voire augmenter la personne.
Les choses incorporées ou associées au corps de l'homme participent-elles
indistinctement de la personne humaine ?
Et dans l'affirmative, à quel titre ? En application de la règle Accessorium sequitur
principale, le corps de la personne est-il toujours vu comme le principal, même
si la valeur de la prothèse ou de la greffe est très élevée parce que riche en
innovations ?
La notion de personne par incorporation, astucieusement dégagée par Xavier
Labbée, est stimulante de ce point de vue. La prothèse incorporée à la personne
et qui perd son individualité doit être considérée comme une personne par incorporation,
équivalent pour le droit des personnes de celle d'immeuble par incorporation,
pour le droit des biens.
La qualification de personne par destination pourrait pareillement être envisagée
lorsque le dispositif conserve son autonomie par rapport à la personne au
service de laquelle il est affecté (exosquelette, fauteuils roulants), à la manière
cette fois des immeubles par destination.
Qualifier est utile.
Utile pour expliquer l'insaisissabilité des prothèses résultant de l'article L. 112-2
7° du Code des procédures civiles d'exécution (« Ne peuvent être saisis : 7° Les
objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes
malades »).
Utile encore davantage lorsque ces choses causent des dommages à l'homme
qui les arbore ou à des tiers, surtout si elles ont un dynamisme propre et risquent
d'être défectueuses ?
Supposons un instant que la main bionique, pourtant toute neuve, de l'amputé
vienne à broyer, en guise de remerciements, la main amie du chirurgien qui l'a
posée.
Qui répondra civilement ? Le fabricant ? L'amputé ? Mais a-t-il seulement la
maîtrise de sa main bionique ? Est-ce un fait exonératoire ?
Et sur quel fondement : responsabilité pour fait de la chose que l'on a sous sa
garde (article 1242 du Code civil) ou faute involontaire de la personne
(article 1241) ?
Y a-t-il faute du chirurgien victime qui l'a mal posée ?
Il faut pour cela (re)penser en termes de qualifications.
Et quid cette fois si l'homme augmenté est l'auteur de violences volontaires :
nos amis pénalistes nous éclaireront certainement sur le point de savoir si un bras
bionique ou renforcé ne serait pas une arme par destination au sens de l'article
L. 132-75 du Code pénal, à l'instar par exemple d'un haltère.
16. Interdiction : protection de l'espèce humaine. - La seconde question
est autrement importante et de société : celle de la résilience du Droit avec un
grand D par rapport à l'idéologie transhumaniste elle-même.

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