Annales corrigées et commentées - Droit administratif - L2 - 7e - 123

La doctrine s'interroge sur une éventuelle extension de cette jurisprudence (au-delà
du cas de la police sanitaire) qui serait ainsi amenée à remplacer la jurisprudence
Lutétia. Néanmoins, la plupart des auteurs pensent qu'elle restera cantonnée à l'hypothèse
d'un concours police administrative générale/police administrative spéciale
sanitaire.
L'application de ces conditions particulièrement strictes conduit le juge à affirmer
l'illégalité de l'arrêté du maire de Sceaux (B).
B) L'illégalité de l'arrêté du maire de Sceaux imposant le port du masque
Pour défendre la légalité de son arrêté, la commune de Sceaux se prévaut de circonstances
locales particulières : « sa population est plus âgée que la moyenne,
avec 25 % de personnes de plus de 60 ans contre 19 % dans le reste de l'Ile-deFrance
selon ses dernières écritures, les espaces verts, qui représentent le tiers de la
superficie communale, ont été fermés et les commerces alimentaires qui demeurent
ouverts sont concentrés dans une rue piétonne du centre-ville dont la largeur n'excède
pas quatre mètres en certains endroits, entraînant une forte affluence à certaines
heures de la journée et rendant ainsi difficile le strict respect des gestes de
distanciation sociale ». Néanmoins, le juge considère que ces éléments ne constituent
pas des circonstances locales exigeant impérieusement une intervention du
maire au titre de son pouvoir de police administrative générale : « ni la démographie
de la commune de Sceaux ni la concentration de ses commerces de première
nécessité dans un espace réduit, ne sauraient être regardées comme caractérisant
des raisons impérieuses liées à des circonstances locales propres à celle-ci et qui
exigeraient que soit prononcée sur son territoire, en vue de lutter contre l'épidémie
de covid-19, une interdiction de se déplacer sans port d'un masque de protection ».
Il fait ainsi application en l'espèce de la conception particulièrement stricte de la
jurisprudence Lutétia adoptée dans le considérant de principe.
De plus, le juge considère que l'arrêté du maire est de nature à nuire à la cohérence,
à la lisibilité et à la compréhension de la politique sanitaire déployée par les autorités
étatiques compétentes : « l'édiction, par un maire, d'une telle interdiction, à une date
où l'État est, en raison d'un contexte qui demeure très contraint, amené à fixer des
règles nationales précises sur les conditions d'utilisation des masques chirurgicaux
et FFP2 et à ne pas imposer, de manière générale, le port d'autres types de masques
de protection, est susceptible de nuire à la cohérence des mesures prises, dans l'intérêt
de la santé publique, par les autorités sanitaires compétentes. De plus, en laissant
entendre qu'une protection couvrant la bouche et le nez peut constituer une protection
efficace, quel que soit le procédé utilisé, l'arrêté est de nature à induire en erreur
les personnes concernées et à introduire de la confusion dans les messages délivrés
à la population par ces autorités ».
Le maire a donc utilisé illégalement ses pouvoirs de police administrative générale
car, d'une part, aucune circonstance locale particulière ne permettait son intervention
dans un domaine couvert par la police administrative spéciale sanitaire et,
d'autre part, sa décision est de nature à nuire à la cohérence et à la lisibilité de la
politique menée par les autorités sanitaires au niveau national. L'arrêté attaqué porte
donc une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir et à la
liberté personnelle. Le maire estimait au contraire que sa décision était protectrice
de la liberté d'aller et venir des personnes vulnérables : « La commune (...) soutien(t)
que le port obligatoire d'un dispositif de protection buccal et nasal limite le risque
que des personnes contaminées, et en particulier des personnes asymptomatiques,
Il s'agit d'une procédure de
référé-liberté : il faut donc analyser
les conditions juridiques propres
à cette procédure pour donner
la solution (atteinte grave et
manifestement illégale à une
liberté fondamentale).
Lorsqu'une décision est très récente
et qu'elle n'a donc pas encore
connu de suites jurisprudentielles,
vous pouvez vous appuyer sur
les analyses doctrinales (en utilisant
le conditionnel).
De nouveau, la transition entre
les sous-parties ne doit pas être
oubliée.
Un commentaire d'arrêt nécessite
d'analyser les trois étapes du
syllogisme effectué par le juge
pour répondre au problème de
droit : règle de droit, application
en l'espèce et solution. La part
consacrée à chacune de ces
étapes dépend de l'apport
juridique de l'arrêt. En l'espèce,
il s'agit d'une importante décision
de principe. Par conséquent, les
trois premières sous-parties sont
consacrées à l'analyse de la règle
de droit. Néanmoins, l'application à
l'espèce et la solution ne sont pas
oubliées, elles font l'objet
du 2/ B.
Comme en 1/ A, les arguments
des parties sont repris et sont
immédiatement suivis de l'analyse
de la réponse du juge à leur
propos.
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