NEOMA Alumni Mag - N°33 - Décembre 2022 - 39

septembre soulignait d'ailleurs le rôle clé que pourraient
jouer les entreprises de taille intermédiaire
(ETI) familiales dans le retour à une forme de souveraineté
économique tricolore. Ces sociétés
« investissent et recrutent majoritairement en
France, avec un actionnariat stable » et « leur inscription
dans le temps long les rend aptes à
répondre aux changements structurels, technologiques
et sociétaux », estime l'auteur.
Les entreprises
familiales ont tendance à
avoir des caractéristiques
défensives supérieures
à la moyenne.
SURPERFORMANCE
La crise du Covid-19 a confirmé la résilience des
sociétés familiales dans les moments difficiles.
Dans un rapport de septembre 20202
, le Credit
Suisse Research Institute (CSRI) observe ainsi une
surperformance de 370 points de base en
moyenne par an depuis 2006. « Les entreprises
familiales ont tendance à avoir des caractéristiques
défensives supérieures à la moyenne qui
leur permettent d'être performantes, notamment
en période de tensions sur le marché », indique la
banque. Elles affichent en outre des résultats
« légèrement meilleurs » sur les critères ESG (environnementaux,
sociaux et de gouvernance). Leur
bonne santé s'est confirmée en 2021. D'après un
baromètre annuel June Partners - Viavoice3
, 80 %
des dirigeants d'ETI et PME, dont beaucoup sont
familiales, ont enregistré une « bonne performance
» l'an dernier. Leur principal défi reste la
formation des équipes alors que la guerre des
talents s'intensifie.
Mais qu'appelle-t-on exactement entreprise familiale
? « La Commission européenne a planché sur
une définition. Elle a prévu trois critères : au moins
deux membres de la famille détiennent une majorité
du capital ou des droits de vote ; un membre
de la famille occupe une position opérationnelle ;
et la dynastie a l'intention de transmettre l'entreprise
à la génération suivante », expose Viviane
Neiter (PGE 80), consultante en gouvernance
d'entreprise et coautrice de Gouvernance des
organisations (Dunod, 2016)4
.
PRÉFÉRENCE POUR L'AUTOFINANCEMENT
La spécialiste met en exergue une caractéristique
des sociétés familiales bien connue des banquiers.
« Elles affichent une nette préférence pour l'autofinancement,
qu'elles privilégient à l'endettement,
indique Viviane Neiter. Il y a en effet une peur
réelle de perdre le contrôle de l'activité. » Des propos
corroborés par Jean-Victor Clérico (PGE 12),
qui dirige le cabaret parisien le Moulin Rouge,
conjointement avec son père et sa sœur, respectivement
troisième et quatrième génération aux
manettes : « Nous disposons d'un petit matelas
pour faire face aux imprévus et nous réinvestissons
en permanence dans les productions »,
raconte-t-il.
Avec parfois plusieurs générations aux commandes
et une prise de décision collégiale, l'entreprise
familiale s'avère a priori complexe à gérer, « ce
qui devrait altérer sa rentabilité », constate Viviane
Neiter. Alors, comment expliquer la surperformance
mise en valeur dans le rapport de Credit
Suisse ? Sans doute parce que les impératifs de
durabilité inhérents à la succession et « l'affection
familiale », clé de voûte des entreprises familiales,
encouragent la vision à long terme. « Lorsque l'entrepreneur
est aux commandes, il risque son
emploi mais aussi le patrimoine familial. Il ne faut
pas se rater », résume Patrick Lê, professeur associé
en management à NEOMA Business School.
PAS DE SURRÉACTION
En 1999, Céline et Philippe Bossanne, amoureux
des grands espaces naturels, créent l'entreprise
Huttopia. S'éloignant du modèle classique du camping
avec ses mobil-homes qui s'empilent les uns
derrière les autres, ils proposent des hébergements
en toile ou en bois dans la forêt. Vingt-trois
ans plus tard, la famille Bossanne peut se féliciter
du chemin parcouru. Son entreprise exploite près
de 90 sites dans sept pays. « Les propriétaires ont
fixé un cap, une stratégie pérenne. Nous ne surréagissons
pas aux événements », apprécie
Stéphane Duc (PGE 92), président du directoire
d'Huttopia.
« L'actionnaire familial souhaite bien sûr un retour
sur investissement, mais il ne réclame pas forcément
un dividende immédiat. Il lui importe avant
tout de transmettre l'entreprise à la génération
❱❱❱
Viviane Neiter
(PGE 80)
Jean-Victor Clérico
(PGE 12)
Patrick Lê
Stéphane Duc
(PGE 92)
Antoine Souchaud
Sonia Dubès (PGE 90)
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