La revue RH&M - N°89 - Avril 2023 - 11

LE GRAND ENTRETIEN
une carrière internationale. 25 ans
après, l'entreprise est en difficulté et
c'est un casse-tête. Je veux remettre
les équipes et l'organisation au niveau
qu'elles méritent.
Vous considérez-vous comme
le premier DRH de l'entreprise ?
Quel que soit le niveau d'un leader
dans l'entreprise, il a une part de RH.
Il doit s'occuper de l'organisation des
équipes, dans le respect du travail
et du rôle de chacun. Le latin que je
suis, a tendance à partir des gens pour
aller vers le process et la structure. J'ai
toujours pensé que la qualité des personnes
peut compenser la faiblesse
de certaines organisations. Je dédie
beaucoup de temps à l'humain, car
quand on est entouré de personnes
extraordinaires, on trouve des solutions
non attendues.
Quand vous prenez
la responsabilité de Renault
Group, François ROGER, DRH,
était déjà là. Comment s'est
passée votre rencontre et
pourquoi l'avez-vous maintenu ?
Je pense qu'un DRH, surtout dans
ce type de situation, doit représenter
la culture, l'esprit de l'organisation.
J'ai trouvé François accessible, informel,
assez moderne, rapide. Il aime
les gens, il reste curieux de les comprendre
avec leurs forces et faiblesses.
C'est indispensable dans les RH.
Comment fonctionnez-vous
ensemble ?
Le bureau de Francois est à côté.
Quand je suis là, je vois les membres
de l'équipe trois ou quatre fois par
semaine, de façon assez informelle.
J'essaie de rendre la conversation
fluide en circulant dans les bureaux, en
utilisant aussi beaucoup le téléphone,
ils peuvent taper à la porte. Je donne
la même légitimité à tous. Mais je sais
très bien que les RH et la finance, sont
des piliers clés. Nous avons évidemment
des instances structurées, pour
travailler sur les talents ou l'organisation
par exemple. L'équipe des RH est
" Renault Group est historiquement un
laboratoire social, une entreprise avec une
éthique de la gouvernance et un dialogue
social exemplaire, à laquelle on est attaché. "
très dynamique sur beaucoup de nouveautés
qui me passionnent, thèmes
communs à nombre d'entreprises (la
diversité, progression des jeunes plus
rapide, etc). Comprendre le talent de
chacun et le mettre au service d'un
projet est le préambule de tout. J'y
consacre beaucoup de temps avec
François.
François ROGER participe-t-il
à l'élaboration de la stratégie
globale ?
Oui, bien sûr. La stratégie, c'est mon
job et celui de toute l'équipe dirigeante.
Pour bâtir notre plan Renaulution,
plutôt que de recourir à des
consultants, j'ai rassemblé une quarantaine
de personnes de l'entreprise,
d'âges et de fonctions variés. Ils ont
élaboré le plan ici, le Comité exécutif
descendait discuter avec eux. Les
chiffres utilisés étaient solides et dans
tous les domaines on les atteint, parfois
avec de l'avance.
Depuis que vous êtes à la tête
du Groupe Renault, l'entreprise
à plus que doublé sa marge
opérationnelle. Quelles
dispositions avez-vous prises
pour permettre ce succès ?
La situation de Renault était très difficile
avec des années de secousses à
tous les niveaux, management, gouvernance,
stratégie. Il fallait rattraper
la situation avec un vent contraire
assez fort : trois vagues de Covid, la
crise des semi-conducteurs, l'inflation,
la perte de la Russie, etc.
Je me suis d'abord concentré sur le
produit : en six semaines, on a complètement
chamboulé la stratégie produit.
Cela commencera à se voir à la
fin de cette année car, dans l'industrie
automobile, 3 à 4 ans passent avant
que les produits arrivent sur la route.
L'entreprise, d'ici à 2026, va avoir la
meilleure gamme de produits qu'elle
n'a eue depuis 30 ans, dans ses différentes
marques Renault, Dacia,
Alpine, Mobilize.
J'ai ensuite bâti une stratégie orientée
sur la valeur en sortant de la logique
du volume. Dans un contexte très
compliqué, avec un marché qui s'effondre,
on va mécaniquement croître
avec 25 nouveaux modèles dans les
segments importants où Renault
Group n'était pas présent. Cette année,
avec un volume au plus bas depuis
longtemps, on va obtenir un des meilleurs
résultats.
Avez-vous été confronté
à des obstacles ?
Bien sûr, il y a eu de la résistance. Avec
François, on comprenait la nécessité
de réduire les coûts à un niveau supportable
par l'organisation, même si ce
n'est pas agréable, avant de revenir à
une phase où on recommence à créer
de la valeur et de l'emploi. Car c'est ce
qui nous motive, créer de la valeur,
des jobs. Cette phase de restructuration
assez exceptionnelle (on a baissé
le point mort de l'entreprise de 47%
en 16 mois) était très dure. Cela a été
un effort collectif, toute l'équipe était
consciente de l'urgence. Toutefois, on
a agi dans la tradition de la maison,
avec une certaine sensibilité vis-à-vis
des gens et des organisations. Renault
Group est historiquement un laboratoire
social, une entreprise avec une
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