Précis Domat - Droit des biens - 6e - 170

DROIT DES BIENS
d'administration relatifs aux biens indivis ». Ainsi, de la lettre même de la loi, la
conclusion et le renouvellement des baux99
portant sur les biens indivis peuvent être
effectués à cette majorité. La généralité du principe est toutefois immédiatement
tempérée par la suite du texte, car si les actes d'administration sont valablement
accomplis à la majorité qualifiée, ce n'est qu'à condition que l'acte ressortisse à
l'exploitation normale du bien indivis : à défaut, l'unanimité retrouve son empire
(al. 3). Ainsi, les baux commerciaux ou ruraux ne pourront être consentis que de
l'accord de tous les indivisaires (815-3 al. 1er
,4o
).
La gravité des actes de disposition devrait imposer l'unanimité mais le législateur
a ouvert une première brèche en permettant aux indivisaires titulaires des deux
tiers des droits indivis de « vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges
de l'indivision ». La porte est étroite, car elle ne concerne que les meubles à
l'exclusion des immeubles et n'autorise qu'une aliénation affectée à l'apurement
du passif indivis. Mais il faut noter qu'elle peut alors parfaitement s'opérer de gré
à gré. L'unanimité recule encore lorsque, pour tout autre acte d'aliénation d'un bien
indivis, le Code civil permet aux mêmes indivisaires majoritaires de solliciter du
juge qu'il l'autorise en constatant qu'il n'est pas porté une « atteinte excessive »
aux droits des autres indivisaires (C. civ., art. 815-5-1)100
.
190 Sort des actes accomplis à la majorité qualifiée. - L'acte pris à la majorité
qualifiée des deux tiers ne peut engager personnellement ceux qui n'y ont pas
consenti101
. Le créancier ne saurait donc avoir le moindre recours à leur encontre.
L'acte ayant cependant été valablement accompli, il leur demeure opposable. Cette
opposabilité signifie qu'ils devront en supporter les conséquences : le bien aliéné
pour payer les dettes ne fait plus partie de la masse indivise, le bien loué est soustrait
à leur usage personnel, les liquidités indivises serviront à payer le créancier,
etc.
L'article 815-3 al. 2 subordonne toutefois cette opposabilité à ce que le ou les
indivisaires qui ont décidé de l'acte à la majorité qualifiée aient informé les autres
indivisaires. Si cette obligation de transparence peut être saluée, sa sanction paraît
en revanche peu opportune car trop radicale.
■ 99. La tacite reconduction opérant nouveau bail entre les parties, il en résulte qu'un indivisaire pourra
valablement s'y opposer seul s'il représente plus d'un tiers des droits indivis (Cass. 3e
civ., 8 oct. 1974,
nº 73-13224 ; Bull. civ. III nº 340). Bien que le texte n'en dise rien, on considère symétriquement que les
initiatives destinées à mettre fin au bail sont soumises aux mêmes règles de majorité que celles ayant présidé
à sa conclusion (délivrance d'un congé : Cass. 3e
JCP G 2000, I, 278, nº 3, obs. R. LE GUIDEC). De même, une demande de révision du loyer est un acte
d'administration, soumis à la majorité des deux tiers.
■ 100. La procédure est détaillée par le texte. Les indivisaires représentant les deux tiers des droits indivis
qui souhaitent vendre un bien meuble ou immeuble (à condition qu'il ne fasse pas l'objet d'un démembrement)
doivent faire une déclaration en ce sens devant notaire, lequel la signifie aux autres coïndivisaires
qui, s'ils restent taisants pendant trois mois, sont censés avoir refusé, ce qui permet alors la saisine du juge.
Le prix obtenu de la licitation du bien judiciairement autorisée ne pourra toutefois pas être remployé et
devra servir à l'acquittement du passif indivis.
■ 101. Quant à engager personnellement ceux qui y ont consenti, on peut hésiter. Si ce consentement peut
être considéré comme un consentement au contrat, alors les indivisaires majoritaires sont personnellement
engagés (par part virile : arg. C. civ., art. 1309). Mais on peut, au regard des circonstances, estimer que ce
consentement n'est là que pour la régularité de l'acte, sans conférer la qualité de partie : dans ce cas, seul
l'indivisaire ayant contracté est engagé.
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civ., 8 avr. 1999, nº 97-15706 ; Bull. civ. III nº 88 ;

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