Précis Domat - Droit des biens - 6e - 317

LES CHOSES MOBILIÈRES ET IMMOBILIÈRES
certaines constructions ou dépôts considérés comme nuisibles à proximité d'un mur
séparatif. Ce texte n'a cependant guère de portée111
: la quasi-totalité des restrictions
concernant l'implantation des bâtiments résulte non plus du Code civil et donc de
la conciliation des intérêts privés, mais des règles d'urbanisme édictées dans l'intérêt
général. Quoi qu'il en soit, il s'agit toujours par ces dispositions de stériliser une
utilité du fonds servant afin de préserver l'agrément du fonds voisin (fonds dominant)
: la structure fondamentale de la servitude s'y retrouve.
372 Servitudes d'écoulement des eaux. - Le Code civil impose aux fonds
inférieurs112
de recevoir les eaux113
qui s'écoulent naturellement114
des fonds supérieurs,
notamment les eaux pluviales ou de source. Il en induit que « le propriétaire
inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement » (C. civ.,
art. 640) : là est l'utilité retirée au fonds inférieur, fonds servant. Le fonds supérieur
s'en trouve assaini par le drainage naturel que cette disposition lui garantit. Dans le
même ordre d'idée, l'article 681 impose à tout propriétaire d'établir « des toits de
manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique ; il
ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin ». Le droit d'établir librement la
configuration des toits des bâtiments est restreint afin d'éviter que le fonds voisin
ne s'en trouve inondé.
En pratique, ces dispositions se sont révélées très insuffisantes. Elles se contentent
en effet d'organiser l'écoulement naturel des eaux pluviales, sans prendre en
compte la nécessité qu'il peut y avoir à acheminer artificiellement des eaux sur un
fonds afin de l'irriguer, ni d'en évacuer des eaux souillées. De multiples lois postérieures
les ont donc complétées avant d'être codifiées, si bien qu'aujourd'hui, la
plupart des servitudes concernant l'acheminement et l'écoulement des eaux
des fonds : Cass. 3e civ., 14 févr. 1984, nº 82-16092 ; Bull. civ. III nº 36) lesquels sont souvent codifiés par
les chambres d'agriculture du département. À défaut, le Code civil prévoit une règle supplétive : les plantations
dont la hauteur dépasse deux mètres devront être distantes de deux mètres de la ligne séparative des
fonds, les autres pourront être faites à cinquante centimètres seulement de cette même ligne (étant précisé
qu'il faut prendre en compte non l'écorce de l'arbre mais son centre : Cass. 3e
11876 ; Bull. civ. III nº 78 ; D. 2009, p. 2303, obs. N. REBOUL-MAUPIN).
civ., 1er
avr. 2009, nº 08■
111. Il n'est pas applicable en l'absence de mur séparatif et faute de règlements particuliers ou d'usages
locaux imposant une distance particulière, le Code ne prévoyant (à l'inverse de l'article 671 relatif aux
plantations) aucune règle supplétive.
■ 112. L'existence de la servitude d'écoulement des eaux ne suppose pas, contrairement aux servitudes de
distance et de vue (supra nº 370 et 371), que les terrains soient contigus : même séparés par une voie
publique, la servitude d'écoulement des eaux demeure (Cass. req., 3 août 1852, DP 1852, 1, p. 220).
■ 113. La servitude légale ne concerne pas les eaux ménagères ou résiduaires : Cass. 1re
aff. Dupire ; Bull. civ. I nº 362. - Cass. 1re civ., 4 déc. 1963, Bull. civ. I nº 535.
civ., 1er juin 1965,
■ 114. L'exigence d'un écoulement naturel interdit au propriétaire du fonds supérieur d'aggraver la servitude
(art. 640 al. 3) : seul l'écoulement résultant de la configuration naturelle des lieux doit en principe être
supporté par le fonds inférieur, lequel ne peut être tenu de recevoir les eaux artificiellement dirigées par des
ouvrages divers vers son fonds (Cass. 2e
civ., 6 mai 1976, nº 75-12619 ; Bull. civ. II nº 150). Mais cette solution
a été atténuée par l'article 641 (dans sa rédaction issue d'une loi de 1898), qui permet au propriétaire
du fonds supérieur d'aggraver par ses ouvrages la servitude d'écoulement des eaux naturelles (notamment
en faisant jaillir une source : C. civ., art. 641 al. 4), mais à charge d'indemnité (C. civ., art. 641 al. 2). L'aggravation
de la servitude d'écoulement reste interdite lorsque le fonds inférieur destiné à recevoir les eaux
est constitué par une maison d'habitation ainsi que ses cours, parcs et enclos attenants (C. civ., art. 641
al. 5).
Deuxième partie : Les choses en rapport avec la personne
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